L’entrevue de Bernard Nicolas,
journaliste de l’émission « 90 minutes »,
William Reymond et Billie Sol Estes,
co-auteurs du livre JFK, le dernier témoin,
dans l’émission « Merci pour l’info »
d’Emmanuel Chain sur Canal+
du jeudi 23 octobre 2003
Emmanuel Chain : […] vous êtes les co-auteurs de cette enquête qui sera diffusée lundi soir sur Canal+ dans le magazine « 90 minutes ». Alors le mystère va peut-être être un peu moins un mystère. Vous apportez des révélations spectaculaires. Qui, d’après vous, a commandité l’assassinat de Kennedy ?
Bernard Nicolas : Bien, pour nous, au terme de notre enquête, c’est le vice-président des Etats-Unis, Lyndon Johnson, qui a donné l’ordre de l’exécution, mais il n’était pas le seul à avoir pris cette décision, c’est un peu ce que l’on révèle au terme de l’enquête. Johnson avait été façonné, on le dit dans le documentaire, par un lobby industriel texan, pétrolier notamment, et ce sont ces gens-là qui ont dit, à un moment donné, « Basta ! », vulgairement, « On se débarrasse de John Kennedy sur lequel on n’a aucune prise en réalité. »
Emmanuel Chain : Alors c’était le vice-président de…
Bernard Nicolas : Tout à fait.
Emmanuel Chain : Kennedy. Il était comme lui, évidemment, démocrate. (Il se tourne vers William Reymond.) Donc pourquoi avoir commandité cet assassinat ? Lobby texan, il était lui-même texan…
William Reymond : Oui; il…
Emmanuel Chain : Qu’est-ce que Kennedy mettait en danger ?
William Reymond : Johnson était texan, il était au milieu de nombreuses affaires qui risquaient de l’amener en prison. Donc il avait besoin d’avoir une immunité supérieure en retrouvant la Maison Blanche, et, à côté de ça, Kennedy souhaitait supprimer un allègement fiscal pour les pétroliers. Ça représentait trois cents millions de dollars par an, le prix de sa vie.
Emmanuel Chain : Trois cents millions de dollars par an qui permettaient à tous les industriels du pétrole, évidemment, de gagner plus d’argent, il voulait le supprimer. Quand vous dites qu’il risquait d’avoir des affaires sérieuses, Johnson, c’était quel type d’affaires ? il était suspecté de quoi ?
William Reymond : Johnson est quelqu’un qui n’a jamais travaillé, qui a fini millionnaire, il est habitué à profiter des fonds publics. Donc il avait des relations de corrupteur et de corrompu avec certains personnages dont Billie Sol Estes, et donc, en 1962, il est impliqué dans toutes ces affaires-là qui sont en train de monter peu à peu et qui vont l’étouffer.
Emmanuel Chain : Alors c’est quand même un sacré… une sacrée révélation, si elle se confirme. On va se retrouver dans un instant parce que vous apportez des preuves. Il y a un témoin-clé, vous venez de le citer, Billie Estes qui était un texan, un milliardaire, qui avait soutenu Johnson, et qui, lui, apporterait la preuve formelle de cet assassinat commandité par le vice-président. On se retrouve dans un instant pour en parler après une courte page de publicité.
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Emmanuel Chain : Retour en direct sur le plateau de « Merci pour l’info » où nous a rejoint Monsieur Billie Sol Estes. Bonsoir, Monsieur. Vous êtes un témoin-clé dans l’affaire, dans l’assassinat de John Kennedy, « Le dernier témoin », c’est le titre du livre de William Reymond que vous publiez, cinq ans d’enquête, co-auteur de cette enquête de « 90 minutes » qui sera diffusée lundi soir et qui apporte cette révélation dont vous venez nous faire part : Lyndon Johnson aurait commandité .l’assassinat du président Kennedy. Et vous êtes un témoin-clé parce que vous avez une preuve formelle de cela. Vous nous en parlerez dans un instant. Mais, déjà, vous avez recueilli d’autres preuves, et l’une de celles qui est très étonnante, on va la regarder tout de suite, dans votre enquête, votre démonstration commence avec le film amateur dans lequel on voit Kennedy s’écrouler. On regarde un extrait :
Voix off : Le film de l’assassinat, parfaitement restauré, montre un crâne éclaté et une blessure béante. Curieusement, à l’autopsie, le visage de John Kennedy est intact. Depuis quarante ans, cette autopsie fait l’objet d’une polémique : y’a-t-il eu manipulation ?
Emmanuel Chain : Alors y’a-t-il eu manipulation ? et, effectivement, est-ce que Kennedy aurait été touché par des balles de face, comme on le voit sur la reconstitution du film, et non pas, comme on a voulu nous le faire croire, par des balles qui seraient allées par derrière ?
William Reymond : Dans le film, ce que nous montrons, c’est une histoire invraisemblable mais prouvée d’un homme qui était Johnny Gate (orthographie non garantie), qui était, en 1963, un des spécialistes de la reconstruction faciale, qui, le 22 novembre 63, au moment du crime, quitte précipitamment Dallas parce qu’on le prévient qu’il faut qu’il intervienne sur le corps de Kennedy. Il va réapparaître vingt-quatre heures après, et, là, de peur, quitter la ville et attendre l’assassinat de Lee Harvey Oswald pour revenir sur Dallas. Et…
Emmanuel Chain : C’est cet homme qui aurait reconstitué le visage de Kennedy pour faire disparaître certaines preuves ?
Nathalie (co-animatrice) : Maquillé, en fait.
William Reymond : Maquillé. C’est la première fois qu’on apportait une réponse à une controverse qui a divisé toute l’Amérique, savoir si on avait touché ou pas au corps du président, avec des témoignages qui disaient « Les blessures que l’on voit ici ne ressemblent pas à celles qu’il avait à Dallas », et, là, pour la première fois, on a un homme dont la spécialité est la reconstruction de corps qui part intervenir sur le corps de Kennedy.
Nathalie : Mais, lui, on comprend…
Emmanuel Chain : C’est incroyable qu’on l’ait laissé… (réalisant qu’il coupe sa co-animatrice), pardon.
Nathalie : Mais, lui, on comprend assez bien qu’il n’ait pas parlé puisqu’il avait peur, comme vous le dites, mais Jackie, elle est juste à côté, Jackie Kennedy, elle voit bien que son visage, le visage de son mari, est touché…
William Reymond : Bon.
Nathalie : Pourquoi elle a pas… elle a rien dit ?
William Reymond : Jackie a la réserve de sa fonction, déjà, c’est un point important. Mais le plus important, c’est que Jackie, devant la commission Warren, va décrire des blessures toutes autres…
Emmanuel Chain : La commission Warren, faut expliquer, c’est une commission…
William Reymond : C’est la commission d’enquête qui va mener…
Emmanuel Chain : Voilà.
William Reymond : qui va mener…
Nathalie : Officielle.
William Reymond : la commission officielle, effectivement, qui va mener l’enquête pendant un an pour déterminer qui sont les responsables de l’assassinat. Et…
Emmanuel Chain : Donc, pour revenir à la question de Nathalie, effectivement, Jackie, qui est à côté, elle voit…
William Reymond : Oui.
Emmanuel Chain : qu’il prend la balle en pleine face, et, quand elle voit ensuite cette reconstitution-là, elle se dit : y’a un loup. Non ?
William Reymond : Elle se le dit d’autant plus que devant la commission Warren, donc, elle décrit des blessures qui ne correspondent pas à la version officielle. Et, au moment de publier le rapport Warren, son témoignage est coupé. Indépendamment de ça, elle va demander à un proche de mener une enquête sur les raisons de l’assassinat de son mari. Les conclusions de cette enquête sont encore classées secrètes pendant trente ans.
Emmanuel Chain : Pendant encore trente ans, vous voulez dire ?
William Reymond : Exactement. Donc, ça fera soixante-dix ans…
Nathalie : Ça fera soixante-dix ans, là, maintenant.
Emmanuel Chain : Depuis la mort de Kennedy.
William Reymond : Exactement.
Emmanuel Chain : Juste un point : comment, un président des Etats-Unis vient de mourir, comment un type peut débarquer comme ça à l’hôpital et remaquiller son visage sans que personne ne dise rien ? ça paraît incroyable !
William Reymond : Je pense que la manipulation a eu lieu a Washington. Si on pense que le vice-président Johnson est impliqué, l’accès au corps, finalement, est assez facile. Lorsqu’on étudie les rapports, on se rend compte que, finalement, ça a été une telle confusion, une telle précipitation, que les possibilités existent. Les fenêtres sont là.
Emmanuel Chain : Et ça accrédite effectivement la thèse selon laquelle ce serait le vice-président Johnson qui aurait commandité…
William Reymond : Exact.
Emmanuel Chain : cet assassinat. Alors, Monsieur Estes, vous étiez un milliardaire texan à l’époque, vous souteniez Monsieur Johnson et vous affirmez que, quelque temps avant sa mort, le bras droit de Johnson vous aurait avoué ce complot contre Kennedy. Dans quelles conditions vous l’a-t-il avoué ?
Billie Sol Estes (il parle américain, c’est la traduction instantanée en voix off qui est reproduite ici) : Dans quelles conditions ? Cliff, il était sur le point de mourir, on discutait de cette affaire, on était déjà au courant, on revoyait les faits qu’on connaissait déjà.
Emmanuel Chain : Qu’est-ce qu’il vous a dit exactement ?
Billie Sol Estes : Voilà exactement, eh bien, vraiment, il regrettait ce complot. Ce qu’il a dit exactement, eh bien, Johnson était impliqué, eh bien, quand l’affaire Marshall (orthographie non garantie) a été éclaircie, il aurait été électrocuté, et, s’il n’avait pas été élu, il n’aurait pas obtenu l’immunité, et il aurait arri… contrôle de tout, s’il avait perdu le contrôle de tout, il aurait pas seulement perdu son pouvoir mais il aurait été… subi une enquête criminelle.
Emmanuel Chain : Vous détenez l’enregistrement de cette conversation avec le bras droit de Johnson, donc, qui vous aurait avoué qu’il a commandité l’assassinat de Kennedy. C’est une pièce à conviction, j’imagine. Est-ce que vous allez la donner à la justice américaine ? cet enregistrement ?
Billie Sol Estes : Je serais content s’il me donne l’immunité. Mon avocat m’a dit qu’ils le feraient mais ils ont pas accepté de me donner l’immunité.
Emmanuel Chain : Vous aimeriez avoir l’immunité ?
Billie Sol Estes : Oui, bien entendu, pour éclaircir cette affaire.
Emmanuel Chain : Alors pourquoi n’avez-vous pas parlé avant ? parce que ça fait longtemps que vous portez ce secret.
Billie Sol Estes : J’ai jamais pu. J’voulais pas en parler. Quand William Reymond est venu me voir, il s’intéressait à l’affaire, il s’intéressait du début jusqu’à la fin, ce qui s’est passé vraiment et les causes, et qu’est-ce qui a créé cette situation. Ce livre, eh bien, pour moi, il n’s’agit pas d’un assassinat, c’est comment ça pourrait se passer au Texas dans cette situation.
Emmanuel Chain : Alors William Reymond, vous avez enquêté pendant cinq ans pour recueillir ce témoignage et d’autres preuves, est-ce que vous avez eu la preuve de qui était le véritable assassin de Kennedy ?
William Reymond : Oui, une des… un des éléments que nous montrons dans le film et auquel je reviens plus largement dans le livre, c’est une empreinte digitale qui a été relevée dans les cartons au lieu… sur le lieu du crime, et une analyse comparative de cette empreinte avec celle d’un suspect a sorti trente-trois points de comparaison - aux Etats-Unis, six suffisent pour envoyer quelqu’un à la chaise électrique -, et, derrière cette empreinte, se cache un homme qui s’appelle Malcolm Wallace.
Emmanuel Chain : Ce que vous voulez dire, c’est qu’il y a une empreinte qui a été relevée dans cet immeuble qu’on voyait dans le reportage tout à l’heure…
William Reymond : Et qui a été…
Emmanuel Chain : qui correspond à l’empreinte de ce…
Nathalie : Là où était Lee Harvey Oswald aussi ?
William Reymond : Exactement.
Emmanuel Chain : William Wallace.
William Reymond : A l’endroit où était… à l’endroit où était Lee Harvey Oswald, une empreinte qui a été cachée…
Emmanuel Chain : Une deuxième empreinte.
William Reymond : jusqu’en 98, jusqu’en 98 a été cachée, classée anonyme, et la comparaison livre l’identité de Malcolm Wallace, Back Wallace, qui, depuis 1951, dans l’ombre de Johnson, était devenu sa gâchette.
Emmanuel Chain : Pensez-vous que ces révélations puissent entraîner une réouverture de l’enquête aux Etats-Unis, Bernard Nicolas ?
Bernard Nicolas : En tous cas, tout dépend, je pense, des démarches de Billie Sol Estes, et de leur succès auprès du Département de la justice américain. En tous cas, ce qu’il faut que les téléspectateurs sachent, c’est que cette affaire est imprescriptible, et donc on peut la relancer, la réouvrir, si j’ose dire, à tout moment. Donc rien n’est perdu. Mais ça n’était pas notre objectif de journaliste, vous l’avez bien compris, hein ? Nous, on voulait montrer que la version officielle qu’on nous assénait depuis quarante ans ne tenait pas la route tout simplement.
Emmanuel Chain : Et avec beaucoup de preuves, effectivement…
Bernard Nicolas : Mm.
Emmanuel Chain : très précises. Une enquête remarquable que vous découvrirez lundi soir sur Canal+.
Nathalie : Dans l’excellent magazine « 90 minutes ». Mais William, en France, ça nous passionne…
William Reymond : Mm.
Nathalie : cette histoire de Kennedy. Evidemment, aux Etats-Unis aussi. Quel est le sentiment américain face à « On nous cache tout, on nous dit rien », globalement, c’est ça ?
Emmanuel Chain : Est-ce qu’ils sont au courant de ces révélations ?
William Reymond : Ils sont pas encore au courant de ces révélations parce qu’on les sort d’abord de la France - c’est toute une enquête française, quand même !
Nathalie : Yes !
William Reymond : Yes ! (il rit, Nathalie aussi). Mais les Américains, y’a deux choses : un, ils ne croient pas à la commission Warren ; mais deux, depuis le 11 septembre, les Américains sont totalement abattus, ont perdu leur côté de rébellion, et donc on espère que de sortir cette histoire d’abord en France puis en Europe va leur permettre d’accepter peu à peu que leur gouvernement leur a menti pendant quarante ans.
Emmanuel Chain : Et je précise que si un Français comme vous a été à l’origine de cette enquête, avec Bernard Nicolas ensuite pour le magazine de Canal+, c’est parce que vous viviez au Texas, que vous vous êtes intéressé à cet assassinat de Kennedy, et que vous avez reconstitué les fils patiemment et de manière tout à fait remarquable. Merci pour ce témoignage (applaudissements du public).
Transcription de Paul Vannieuwenhuyze.