L’entrevue de Michel Peyrard, grand reporter à Paris Match,
au sujet de son livre Poste n°3. Hôte des taliban*
dans l’émission « Tout le monde en parle » de Thierry Ardisson
sur France 2, de la nuit du samedi 23 au dimanche 24 mars 2002

* Taliban ou talibans, les deux graphies sont admises au pluriel pour ce mot d’origine arabe.

Sont cités par ordre d'intervention parmi les invités : Charly, Lulu et Emmanuelle Devos.

Thierry Ardisson : Et maintenant… (énormes bruits de rafales de mitrailleuses, de tir de fusils, d’explosion de bombes, roquettes et grenades, enfin de tout ce qu’on peut entendre aujourd’hui sur un champ de bataille. Le public complice simule les morts, les blessés et les survivants terrés sur place) voici Michel Peyrard.

(Entrée de Michel Peyrard sous les applaudissements. Fond musical de cuivres et guitare rock. Michel Peyrard va s’asseoir parmi les invités.)

Thierry Ardisson : Michel Peyrard (le présentant à nouveau). Michel Peyrard, bonsoir.

Michel Peyrard : Bonsoir.

Thierry Ardisson : Vous êtes grand reporter à Paris Match et vous couvrez depuis quinze ans tous les conflits de la planète du Nicaragua à l’Afghanistan en passant par la Tchétchénie (Michel Peyrard acquiesce de la tête), et le 9 octobre 2001, deux jours après le début des frappes américaines en Afghanistan, vous êtes arrêté par les talibans, accusé d’espionnage et vous encourez la peine de mort. Vous serez emprisonné vingt-six jours avant d’être libéré et d’y retourner pour retrouver votre geôlier (il prononce géôlier [eolje] et non [olje]), celui qui vous a sauvé la vie, et découvrir que vous aviez, en fait, échappé de justesse à la mort, et puis aussi, on en parlera, qu’Oussama Ben Laden, que les Américains cherchaient partout, étaient en fait tranquillement à Jellalabad (Michel Peyrard acquiesce de la tête) à moins d’un kilomètre de votre prison. Voilà. Vous racontez tout ça dans un livre qui paraît chez Pauvert, qui s’appelle Poste n°3. Hôte des taliban par Michel Peyrard (il montre la couverture. Applaudissements). Michel Peyrard, merci d’avoir choisi « Tout le monde en parle » pour en parler. Interview vérité.

(Court thème musical d’introduction de la séquence Interview vérité.)

Thierry Ardisson : Alors, le 8 octobre, la veille de votre capture, vous êtes à Peshawar, vous regardez des…, à la télévision, des images de la guerre, et vous dites…, c’est très bien écrit le bouquin, vous dites : « D’emblée, j’ai détesté cette guerre si discourtoise qu’elle s’invitait un dimanche soir, veille de bouclage » (il rit).

Michel Peyrard : Y’a pas pire, oui.

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : Y’a pas pire parce qu’on n’a pas le temps, on n’a pas le temps de travailler.

Thierry Ardisson : Alors votre bouquin, c’est une réflexion sur la guerre aussi. Vous dites : « J’aime couvrir la guerre, j’en aime les mauvais goûts, les cadavres exhibés ».

Michel Peyrard : Y’a un plaisir à couvrir la guerre (plan de caméra enrobant presque tout le profil droit du corps où l’on voit un très bref instant qu’il gigote nerveusement du genou droit à ce moment-là).

Thierry Ardisson : Mm-mm.

Michel Peyrard : Moi, je trouve que dans la guerre, y’a des sociétés qui se dégagent, des codes, des usages. Nos sociétés occidentales sont très figées, sont très codifiées. Dans la guerre, souvent, les gens ne se la jouent plus…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : parce que c’est plus la peine de se la jouer…

Thierry Ardisson : Mm.

Michel Peyrard : parce que la vie est par essence éphémère…

Thierry Ardisson : Mm.

Michel Peyrard : donc les masques tombent. J’ai l’impression parfois que le centre de gravité de l’humain se déplace..

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : et j’aime la vérité des gens à ce moment-là dans la guerre, oui.

Thierry Ardisson : Ça donne de l’intensité à la vie. C’est ça qui vous fascine d’une certaine façon ?

Michel Peyrard : Les journalistes trouvent leur compte dans la guerre…

Thierry Ardisson : Mm-mm.

Michel Peyrard : C’est pas la peine de se raconter des histoires, on aime ça.

Thierry Ardisson : Ouais. Et pis, y’a cette idée d’aller voir soi-même, c’est-à-dire que, aujourd’hui, les états-majors organisent des voyages, hein ? (Michel Peyrard acquiesce de la tête) Ce qu’on appelle le « pool », c’est-à-dire pour un certain nombre de journalistes, et ils les trimbalent comme ça, ils leur montrent ce qu’ils veulent bien leur montrer. Et vous, pendant la guerre du Koweït, avec des copains, vous aviez fait un antipool qui s’appelait « fuck the pool ! » (sourires puis rires), et vous y alliez sans être guidés..

Michel Peyrard : Eh oui…

Thierry Ardisson : par les militaires américains. Alors y’a un truc extraordinaire, quand vous êtes arrivés à Koweït City, vous étiez déguisés en militaires, vous êtes arrivés avant le pool de journalistes, et vous avez découvert toutes les supercheries qui étaient montées à l’usage des journalistes.

Michel Peyrard : Oui, effectivement, nous, quand on est arrivé, on n’a pas découvert la quatrième armée du monde…

Thierry Ardisson : Oui.

Michel Peyrard : qu’on nous vendait…

Thierry Ardisson : Oui.

Michel Peyrard : le « package » médiatique des Américains nous disait que c’était… on allait voir ce qu’on allait voir…

Thierry Ardisson : Oui, c’était Adolf Hitler, à l’époque, Saddam Hussein, oui.

Michel Peyrard : L’Amérique a toujours eu des Satan. Donc…

Thierry Ardisson : Oui.

Michel Peyrard : ç’a été Noriega, ç’a été Kadhafi puis ç’a été Saddam Hussein. Je crois que l’Amérique, par définition, a besoin de se découvrir comme ça des ennemis. A noter d’ailleurs que ce sont souvent d’anciens amis de l’Amérique.

Thierry Ardisson (riant) : Oui, oui. Alors, quand vous voyez l’armée irakienne, soi-disant la quatrième armée du monde, en fait, vous découvrez que c’est des gueux, comme vous dites dans votre bouquin…

Michel Peyrard : Des vieillards, des enfants…

Thierry Ardisson : des enfants, oui.

Michel Peyrard : désarmés, démotivés, oui.

Thierry Ardisson : Et puis y’avait aussi une fausse salle de supplices qui avait été montée à l’usage des journalistes.

Michel Peyrard : C’est-à-dire lorsqu’on est arrivé à Koweït City, on a découvert à l’hôpital Moubarak du centre ville une morgue où y’avait des gens qui avaient été suppliciés, torturés à l’acide. Y’avait huit ou une dizaine de cadavres, je crois. Trois ou quatre jours après, tout ça avait été organisé pour les besoins du pool, pour montrer à la presse américaine et à CNN en particulier…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : à quel point Saddam Hussein était Satan.

Thierry Ardisson : Ouais. Alors à Peshawar, c’est pas en militaire que vous vous déguisez cette fois, c’est en talibane, c’est-à-dire que vous essayez une burka. Alors c’est très intéressant, d’ailleurs, parce que vous en avez porté une de burka, et vous dites que, d’abord cette vision effectivement grillagée et, en plus, elles ont pas le droit de tourner la tête à droite ou à gauche parce que, finalement, elles doivent pas regarder l’homme, donc elles sont un peu comme des chevaux qui auraient des ornières.

Michel Peyrard : Qui auraient des ornières. Elles ont pas le droit d’avoir un regard pour leurs geôliers, pour les hommes. Y’a effectivement beaucoup d’accidents, par exemple, sur les routes en Afghanistan parce que d’une part le cadre grillagé limite…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : extrêmement la vision et, d’autre part, elles peuvent pas tourner la tête.

Thierry Ardisson : Ouais. Alors vous faites un essai, vous faites une incursion…

Michel Peyrard : Qui fonctionne (sourire).

Thierry Ardisson : hein. Vous êtes parti du Pakistan, vous allez en Afghanistan dans une ville qui s’appelle Rost (orthographie non garantie).

Michel Peyrard : Qui est très importante…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : place forte stratégique des taliban.

Thierry Ardisson : Voilà. Vous y allez. Ça marche, hein ?

Michel Peyrard : Ça fonctionne.

Thierry Ardisson : Et là, vous vous dites maintenant je vais, toujours habillé en talibane, je vais aller à Kaboul. Mais vous avez quand même un pressentiment, vous avez une espèce de prémonition.

Michel Peyrard : Je le sens pas.

Thierry Ardisson : Hein ?

Michel Peyrard : Je le sens pas, ce matin-là.

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : Là, y’a une succession d’événements…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : un confrère pakistanais qui devait nous accompagner qui est arrêté. Ensuite, on n’a plus le bon chauffeur, on a une espèce de pleutre de chauffeur dans lequel je n’ai aucune confiance. Et j’aurais dû m’écouter à ce moment-là.

Thierry Ardisson : Oui.

Michel Peyrard : Effectivement, j’ai fait une erreur.

Thierry Ardisson : Alors, à ce moment-là, y’a une rivière à passer, y’a un bac, vous êtes dans un break, vous sortez du break et vous savez quand ils vont voir votre taille, ils vont comprendre que vous êtes pas une femme mais un homme. Mais ce qui est très étonnant sur la culture talibane, c’est qu’à ce moment-là, ils osent pas vous déshabiller. C’est-à-dire…

Michel Peyrard : Non…

Thierry Ardisson : ils osent pas déshabiller les femmes.

Michel Peyrard : non. Moi, j’ai rusé, quand même, quand je suis sorti sur le bac. Je me suis accroupi très vite…

Thierry Ardisson : Mm.

Michel Peyrard : de façon à dissimuler ma taille, effectivement. Donc ils avaient quelques doutes puisque j’étais avec le confrère pakistanais qu’ils avaient reconnu, mais ils se sont donné le temps de m’observer et puis finalement ils ont quand même pas osé parce qu’ils étaient sûrs à soixante-dix pour cent…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : ils me l’ont dit plus tard, mais ces trente pour cent restants, ça les gênait. Donc ils ont demandé à une vieille femme de venir me fouiller(rire de Thierry Ardisson), donc à ce moment-là, j’ai senti que c’était râpé (il rit). Et j’ai enlevé la burka de moi-même.

Thierry Ardisson : Et alors ?

Michel Peyrard : Et je me suis pris un vieux coup de poing dans l’oreille…

Thierry Ardisson : Ouais.

Thierry Ardisson : qui m’a assommé et puis, à partir de là, j’étais bien…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : le sable était chaud et je me sentais à l’aise !

Thierry Ardisson (riant) : Vous vous en faites pas, vous. Et alors là vous êtes arrêté. Au départ, c’est assez courtois : interrogatoire, hein ?

Michel Peyrard : Oui.

Thierry Ardisson : Ça se passe plutôt bien. Et là vous voyez arriver un type qui s’appelle Tajmir Jawad (orthographie non garantie). Alors vous… une description extraordinaire dans le bouquin : profil camus, lippe dédaigneuse, claudiquement (lapsus pour claudication). Et vous avez cette phrase : « Tout en lui révèle une adolescence frustrée (rire de Charly), de celle qui forme les bourreaux inspirés ». C’est-à-dire que vous sentez que ce type a tellement souffert quand il était petit qu’effectivement, il déteste la terre entière. Et là vous commencez à vraiment flipper. Il a vingt-quatre ans, vous apprendrez après que c’est un proche de Ben Laden, qu’il allait le voir…

Michel Peyrard : Un membre important…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : d’Alkaïda.

Thierry Ardisson : Oui.

Michel Peyrard : C’est le responsable des services secrets pour l’ensemble du sud de l’Afghanistan.

Thierry Ardisson : Mm.

Michel Peyrard : Considéré comme un jeune prodige. C’est vrai qu’il avait quelques qualités, il était pas dépourvu de cruauté.

Thierry Ardisson : Mm-mm.

Michel Peyrard : Il est responsable de milliers d’arrestations arbitraires à Jellalabad et de probablement plusieurs dizaines d’exécutions, dont celle du fameux commandant Abdoulak…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : qui était ce commandant qui s’était infiltré en Afghanistan pour tenter de rallier les tribus.

Thierry Ardisson : Qui a été tué tout de suite.

Michel Peyrard : Qui a été tué tout de suite parce que, à mon avis, il était infiltré depuis le départ.

Thierry Ardisson : Alors vous, au départ, vous avez beau leur dire que vous êtes journaliste, ils vous traitent d’espion, hein ?

Michel Peyrard : Ouais.

Thierry Ardisson : Ils vous disent : « Même les Français peuvent être espions ».

Michel Peyrard : Oui. Y’avait eu une déclaration malencontreuse, on peut pas leur en vouloir mais… du ministère de la Défense…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : qui avait dit : « Nous avons des espions en Afghanistan ». Je le savais pas, je crois que c’était la veille ou le matin même.

Thierry Ardisson (riant) : Ils sont malins, les mecs ! (Charly rit également).

Michel Peyrard (riant) : Donc… donc…

Thierry Ardisson (riant) : Ils expliquent bien !

Michel Peyrard (riant) : donc…

Thierry Ardisson (riant) : Remarquez, tant qu’ils donnent pas les photos à la télé encore, ça va mais ! Ouais.

Michel Peyrard (riant) : donc j’étais un peu dans l’embarras, oui.

Thierry Ardisson : Ouais. Alors vous faites ce qu’on appelle un « city tour », c’est-à-dire un tour de ville. Vous êtes exhibé. Vous êtes lapidé quand même, non ?

Michel Peyrard : Je prends des pierres dans la tête, je prends des pierres partout. J’ai pas été plus mal loti dans la mesure où j’étais debout, donc j’étais en sang, effectivement…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : mais un de mes confrères pakistanais qui se trouvait à l’arrière recevait les coups de crosse des arabes. Parce qu’en fait, il y avait beaucoup d’arabes…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : à Jellalabad. Et donc, ben je crois qu’on est resté vingt-six jours ensemble en prison, et il a pas pu dormir pendant vingt-et-un jours. Il était…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : il était bleu, quoi.

Thierry Ardisson : Et alors plus tard, quand vous en parlerez avec vos geôliers, vous leur direz : « Mais enfin, pourquoi me faire faire ce tour de la ville et me… ? »

Michel Peyrard : Je le prends comme arme…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : C’est-à-dire je leur reproche en permanence le city tour.

Thierry Ardisson : Ouais. Ils disent : « Ben nous, c’est normal qu’on vous fasse ça parce que nous, on n’a pas la télé pour annoncer votre capture. Comment vous voulez qu’on fasse ? » (rires). C’est insensé, quoi !

Michel Peyrard : Ils sont joueurs ! (Emmanuelle Devos pouffe).

Thierry Ardisson : Ouais. Alors à l’inverse de ce personnage, y’en a un autre qui est beaucoup plus sympa dans votre bouquin, qui s’appelle Kari Zeiver (orthographie non garantie), hein ? Alors lui, il est sympathique d’emblée. Vous le trouvez… c’est bien dans ce bouquin parce qu’il y a le méchant, le gentil, le… (Michel Peyrard rit) vous le trouvez sympathique d’emblée, et puis peut-être moins décérébré par l’islamisme que les autres.

Michel Peyrard : Il est entré en talibanie un peu par hasard et puis pour des intérêts précis.

Thierry Ardisson : Ouais. Il est assez sympa, lui.

Michel Peyrard : Il est, il est… Ben, moi, je le trouve assez sympa dans la mesure où j’ai l’impression qu’il m’a sauvé la vie. Donc, effectivement je…

Thierry Ardisson : Ben oui !

Michel Peyrard : j’ai tendance à le…

Thierry Ardisson : Et alors y’a un moment extraordinaire dans votre bouquin, c’est ça :

(On entend le refrain de la chanson Aux Champs Elysées de Joe Dassin.)

Thierry Ardisson : Eh oui ! (Michel Peyrard sourit complètement.)

(Fin de la musique.)

Thierry Ardisson : Alors cet(te) … (pas compris)-ci elle est absolument incroyable ! On verrait ça dans un film, on dirait le scénariste a pris de l’acide ! Vous êtes là, pendant les bombardements américains…

Michel Peyrard : Les talibans étaient sur le toit de la prison, oui. Et puis, effectivement, j’ai dû penser à un moment donné… il se trouve que Match a longtemps été installé sur les Champs Elysées (Thierry Ardisson rit), donc je dois avoir une vieille nostalgie, et je me suis mis à fredonner, mais alors malgré moi parce que j’ai jamais eu de passion pour Joe Dassin en particulier, Aux Champs Elysées…

Thierry Ardisson (riant) : Oui.

Michel Peyrard : et ils l’ont retenue. Ils adorent chanter et…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : et c’est comme ça que Joe Dassin est rentré au Panthéon de la guerre sainte (rires divers, en particulier de Charly et Lulu).

Thierry Ardisson : T’imagine : t’as les mecs, les talibans sur le toit de la prison, les avions américains dans le ciel…

Michel Peyrard : Les talibans jubilant…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : parce que quand les frappes commencent, moi, j’arrive au deuxième jour des frappes, pour eux, c’est tout bénef, la guerre a commencé, le jihad a commencé. Donc y’avait une espèce de liesse très particulière avec les tirs de DCA, le spectacle était grandiose…

(Thierry Ardisson remet le refrain de la chanson Aux Champs Elysées de Joe Dassin qui est repris un court moment en chœur par le public. Large sourire de Michel Peyrard.)

(Fin de la musique.)

Thierry Ardisson : Mais alors quand vous entendez cette chanson maintenant, ça vous fait du bien, quand même, non ?

Michel Peyrard : Ça me rappelle des bons souvenirs mais surtout je l’ai entendue à Jellalabad lorsque j’y suis retourné…

Thierry Ardisson : Oui.

Michel Peyrard : et je crois que dans quelques années encore…

Thierry Ardisson (sur la voix de Michel Peyrard) : … … … … … (pas compris).

Michel Peyrard : il se trouvera toujours un ex-taliban…

(Thierry Ardisson remet le refrain de la chanson Aux Champs Elysées de Joe Dassin tout de suite accompagnée par les applaudissements en rythme du public. Large sourire et rire de Michel Peyrard.)

(Fin de la musique.)

Thierry Ardisson : C’est un tube en Afghanistan maintenant ?

Michel Peyrard : Oui. Il faudrait que je vois, éventuellement, pour les droits, maintenant.

Thierry Ardisson : Alors vous découvrez les talibans de l’intérieur. Et ça, c’est très intéressant, c’est en ça que votre livre aussi est très intéressant. C’est-à-dire que… finalement on voit des gens qui sont capables d’autodérision, hein ? qui sont capables de se moquer d’eux-mêmes.

Michel Peyrard : Ils ont de l’humour, ils sont marrants, ils sont joueurs, ils sont… ils jouent au volley-ball, ils veulent constituer l’équipe des talibans pour les Jeux Olympiques…

Thierry Ardisson : Oui, oui.

Michel Peyrard : ce genre de choses.

Thierry Ardisson : Les vrais méchants, j’ai l’impression en lisant votre bouquin, c’est les arabes, c’est-à-dire ceux qui sont venus et qui ont fait souche là-bas, quoi, et qui… qui…

Michel Peyrard : C’est la vraie découverte…

Thierry Ardisson : Oui.

Michel Peyrard : C’est-à-dire, moi, je suis arrivé plutôt en confiance. Même après l’arrestation je pensais que je pouvais m’en sortir dans la mesure où je les avais fréquentés en 96. Ce que j’avais complètement mésestimé, c’était l’importance qu’avaient pris les arabes. Et quand j’ai découvert que les talibans les craignaient ! Réellement, ils en avaient peur. Ils les décrivent imprévisibles, émotionnels, ils disent.

Thierry Ardisson : Ouais. Alors pendant ce temps-là, Michel Peyrard, à l’extérieur, y’a une grande mobilisation pour vous. Evidemment votre journal, Paris Match, qui s’occupe très bien de ses grands reporters quand ils sont dans la merde, il faut le dire, les autorités françaises aussi (Michel Peyrard acquiesce de la tête), bien sûr. Et vous, vous vous en doutez pas. C’est-à-dire que vous êtes dans cette prison et puis vous savez pas tout ça. Vous vous en doutez un petit peu mais vous êtes pas vraiment au courant.

Michel Peyrard : Ah non, j’m’en doute même pas du tout ! Je suis à ce point naïf que j’imagine, au moment où on parle de libération, c’est-à-dire à partir du douzième jour, j’imagine repartir par le même endroit…

Thierry Ardisson : Mm-mm.

Michel Peyrard : très discrètement, par l’agence de … (pas compris, un mot comme « Mourmande » ???)…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : en remettant la burka.

Thierry Ardisson : Ouais. Pourquoi ils vont ont pas tué au début ?

Michel Peyrard : Il était question qu’ils me tuent le premier soir…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : puisque quand Kari Zeiver, donc le directeur de la prison, appelle Tajmir Jawad pour demander mon shawarkamize (orthographie non garantie), donc la tunique pakistanaise, à ce moment-là, j’étais pratiquement… j’étais torse nu…

Thierry Ardisson : Ben oui !

Michel Peyrard : j’avais plus rien. Tajmir lui répond : « Le Français est mort demain donc c’est pas la peine de la vêtir ». Kaboul s’est opposé à notre exécution dès le deux ou troisième jour. Je crois qu’on le doit beaucoup à Irfane (orthographie non garantie) qui est donc mon confrère pakistanais qui avait des amitiés notamment au ministère des Affaires Etrangères…

Thierry Ardisson : Mm-mm.

Michel Peyrard : et, à partir de ce moment-là, je crois que notre vie n’était plus en danger.

Thierry Ardisson : Vous êtes pas passé loin, quand même !

Michel Peyrard : C’était chaud !

Thierry Ardisson : Mm. Très très chaud ! Alors finalement les frappes se précisant, le 21 octobre à vingt-deux heures, la prison déménage mais pas les journalistes, hein, donc voilà comment vous avez été libérés, et vous serez libérés le lendemain.

(Thierry Ardisson appuie sur une touche de synthétiseur sur laquelle est écrit « Magnéto Serge ». En voix off, on entend : « Magnéto Serge ». Images de reportage montrant Michel Peyrard juste après sa libération. Michel Peyrard est transporté en break d’abord jusqu’à ce qui semble être des diplomates français et des journalistes venus l’accueillir. Embrassades, serrements de main et remerciements. Nouveau transport en break. Arrivée dans ce qui semble être une chambre d’hôtel très correcte. Entrée de diverses personnes avec des bagages. Présentation du chauffeur pakistanais de Michel Peyrard qui l’avait déjà transporté plusieurs années auparavant en Afghanistan et qui, pour ce dernier voyage, lui avait fait part de ses craintes sur la nouvelle situation. Michel Peyrard déclare qu’il aurait dû l’écouter. Entretien téléphonique sur un portable avec le président Jacques Chirac suivi d’un autre avec le premier ministre Lionel Jospin. Fin du reportage. Applaudissements du public. Large sourire de Michel Peyrard.)

Thierry Ardisson : Voilà (les applaudissements s’éteignent progressivement). Alors le 22 février 2002, vous y retournez.

Michel Peyrard : Il fallait que j’y retourne, d’une part parce que j’avais fait la promesse à Kari Zeiver de…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : de rendre le service qu’il m’avait rendu…

Thierry Ardisson : Vous y allez pour le réconcilier avec le nouveau régime ?

Michel Peyrard : J’y vais parce que il a lancé un appel désespéré peu après la chute de la ville, donc peu après la chute des talibans, lancé un appel désespéré au Pakistan en disant : « J’ai de gros soucis ». C’est quand même le type qui m’a sorti de l’embarras, notamment auprès des… avec les arabes, et donc j’avais hâte d’y retourner parce que…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : j’avais du mal à le localiser, je savais pas exactement ce qui lui passait. En fait, il a tout simplement été entaulé.

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : On lui avait confisqué ses talkies-walkies et ses quatre pick-up, ce qui me paraît normal…

Thierry Ardisson (riant) : Ouais.

Michel Peyrard : mais on lui avait confisqué aussi ses armes et, pour un pachtoun et particulièrement un shinuari (orthographie non garantie), sans « kalach » (pour kalachnikov), c’est quand même… ça devient difficile…

Thierry Ardisson : Ah ouais !

Michel Peyrard : la vie devient difficile.

Thierry Ardisson : Ah oui ! Oui, là-bas, quand on n’a pas de kalach…

Michel Peyrard : C’est pas bon.

Thierry Ardisson (souriant) : c’est comme ici quand on n’a pas de portable, quoi.

Michel Peyrard : Ça fait partie de l’héritage qu’on reçoit (rires).

Thierry Ardisson : Alors l’autre, en revanche, Tajmir…

Emmanuelle Devos (riant) : Kalach !

Thierry Ardisson : Jawad, alors, lui…

Charly : Le méchant.

Thierry Ardisson : il est recherché.

Michel Peyrard : Le très méchant !

Thierry Ardisson : Ah ouais ! Lui, c’est le méchant. Lui, il est recherché par tout le monde, hein ?

Michel Peyrard : Oui, il a du souci à se faire, oui.

Thierry Ardisson : Ouais. Et là, vous découvrez qu’en plus, il abusait sexuellement des prisonniers, c’est-à-dire que ça (ou sa)…

Michel Peyrard : Ouais alors ça, ça été réellement pas des p… (pour prisonniers, il se reprend juste au début du mot) les très jeunes garçons.

Thierry Ardisson : Alors là, vous recueillez donc tous ces témoignages sur Ben Laden et vous avez la preuve que pendant que les Américains le recherchaient, il était à Jellalabad assez tranquillement.

Michel Peyrard : Oui, y’a des témoignages croisés donc y’a… c’est pas fondé sur un seul témoignage. Il se trouve qu’il a passé l’essentiel du mois d’octobre dans la région de Jellalabad, souvent à Jellalabad. On savait qu’il avait des liens privilégiés à Jellalabad. Il avait son épouse qui était installée à Farmada, c’est à moins de…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : à moins de dix kilomètres de la ville. Mais il est resté dans la région parce qu’il la connaît bien, il s’est battu durant la guerre contre les soviétiques là-bas. Mais alors ce qui paraît beaucoup plus étonnant, c’est qu’en dépit des précautions qu’il prenait, il a laissé des traces, il a laissé des indices, plusieurs personnes l’ont vu, y’a plusieurs témoins qui l’ont vu, il avait des liens très privilégiés avec le gouverneur, on les a vus ensemble. Donc ce que ces gens-là et ce que moi je suis arrivé à établir sans difficulté aucune, c’était absolument pas un scoop…

Thierry Ardisson : Oui. Oui.

Michel Peyrard : tout le monde vous le dira à Jellalabad…

Thierry Ardisson : Oui.

Michel Peyrard : on a un petit peu de mal à comprendre comment les services de renseignement occidentaux n’ont pas pu l’établir.

Thierry Ardisson : Ça veut dire donc que les Américains ne voulaient pas le capturer ?

Michel Peyrard : Vivant.

Thierry Ardisson : Vivant.

Michel Peyrard : C’est la question qu’on peut se poser, c’est-à-dire est-ce qu’un Ben Laden vivant n’est pas plus dangereux pour les serv… pour les Américains…

Thierry Ardisson : Mm.

Michel Peyrard : puisqu’on sait, c’est une évidence maintenant, qu’il a travaillé pendant des années avec la CIA, qu’un Ben Laden mort ?

Thierry Ardisson : Ouais. (Court silence.) Michel Peyrard, au moment où Ben Laden quitte Jellalabad, y’a un cortège de voitures, il s’en va pas tout seul ?

Michel Peyrard : Il part avec…

Thierry Ardisson : On nous a expliqué que le Mollah Omar était parti sur une moto (rire de Charly) mais, lui, il est parti avec combien de voitures ?

Michel Peyrard : Y’a deux convois : l’un de plus de… plus de deux cents voitures probablement qui est parti de nuit, et un deuxième convoi qui est parti en plein jour…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : de cent cinquante voitures, avec Kari Zeiver, le gentil (rire de Lulu), et Tajmir Jawar, le méchant (« le méchant » dit en duo avec Charly qui sourit largement).

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : Et…

Thierry Ardisson : Attendez, les Américains avec leur satellite, ils voient bien le convoi ?

Michel Peyrard : J’ai pas la réponse, j’ai pas la réponse. Moi, je peux uniquement amener des faits, c’est-à-dire que Ben Laden, et effectivement après avoir acheté les tribus de la frontière pakistanaise comme sauf-conduit pour ses hommes principalement, a quitté très tranquillement Jellalabad pour Tora Bora avec ce convoi où y’avait une cinquantaine de familles arabes. Y’avait toutes les familles…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : y’avait les femmes…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : y’avait les enfants. Kari me racontait que y’avait des jeunes enfants de dix ans avec les cartouchières, les kalachnikov…

Thierry Ardisson : Mm.

Michel Peyrard : Et tout le monde est parti à Tora Bora. Simplement Ben Laden n’est pas resté très longtemps à Tora Bora.

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : Au bout d’une dizaine de jours, il est parti en zone tribale au Pakistan.

Thierry Ardisson : Vous connaissez de Dasquier, Guillaume Dasquier, sur le pétrole. Lui, il explique…

Michel Peyrard : Ouais.

Thierry Ardisson : qu’en fait tout ça est dû à un simple fait, c’est que les Américains flippent un peu sur l’approvisionnement en énergie au Moyen-Orient, en Arabie Saoudite, et que donc ils veulent prendre le pétrole en Asie Centrale, et qu’ils veulent construire un pipeline qui partirait d’Asie Centrale, qui traverserait tout l’Afghanistan pour aller jusqu’à la mer. Vous en pensez quoi de ça,  parce que les pétrodollars…

Michel Peyrard : … (pas compris).

Thierry Ardisson : vous avez été aux premières loges ?

Michel Peyrard : Moi, j’ai été témoin de ça en 96…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : C’est-à-dire quand on nous raconte que l’opération « Liberté immuable » concerne Ben Laden, soit, Ben Laden terroriste, pourquoi pas ? mais aussi Mollah Omar. Je rappelle qu’en 96 les Américains connaissaient parfaitement Mollah Omar, qu’il avait déjà pris Kandahar, qu’il avait pris Kaboul. J’étais à Kaboul au moment où le Département d’Etat a déclaré que les talibans étaient finalement très fréquentables, anti-modernes, disait le porte-parole…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : mais pas anti-occidentaux.

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : Et je me souviens d’un voyage à Kandahar en octobre 96 où j’avais interviewé Mollah Hassan, qui est donc le numéro deux des talibans après Mollah Omar, et le fax, le fax du gouverneur avait été offert par Unocal qui est cette compagnie…

Thierry Ardisson : Pétrolière.

Michel Peyrard : pétrolière californienne…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : qui, effectivement, était… avait pour projet de transporter le pétrole depuis le Turkmenistan jusqu’à un terminal au Pakistan.

Thierry Ardisson : Alors Thierry Messan nous disait ici, la semaine dernière, que Ahmid Karzaï, le nouveau patron de l’Afghanistan, avait bossé pour l’Unocal, pour cette boîte pétrolière.

Michel Peyrard : C’est établi, il a été consultant d’Unocal, oui.

Thierry Ardisson : C’est établi.

Michel Peyrard : Il était extrêmement proche de la CIA à un moment donné.

Thierry Ardisson : Vous en pensez quoi du bouquin de Thierry Messan chez Carnot qui s’appelle Aucun avion n’est tombé sur le Pentagone ! (lapsus, le titre exact du livre est Aucun avion ne s’est écrasé sur le Pentagone !) ?

Michel Peyrard : Ecoutez, pour vous dire la vérité, c’est des… j’ai beaucoup navigué sur le net ces derniers temps, y’a beaucoup de ces éléments-là…

Thierry Ardisson : Mm.

Michel Peyrard : qui traînaient déjà sur le net. Y’a… ce mélange-là entre des rumeurs non confirmées parce que c’est pas… la démarche de Messan, c’est pas une démarche de journaliste…

Thierry Ardisson : Mm.

Michel Peyrard : ce sont pas des faits avérés. Mélanger des faits avérés tels que le problème Karzaï avec des rumeurs, c’est… sur le plan de la démarche, moi, ça me trouble toujours.

Thierry Ardisson : Mais y’a deux points qui sont étonnants dans son témoignage. Y’a quand même l’histoire du trou dans le Pentagone. C’est vrai qu’y’a un tout petit trou sur la façade et qu’y’a pas de trace de l’avion sur les photos et sur les films. Ça, c’est vrai, tout le monde peut le voir, c’est même la photo qui est en couverture de son livre. Et y’a une deuxième chose, c’est le passeport de Mohamed Atta qu’on a trouvé intact (Charly dit « intact » en duo avec Thierry Ardisson) dans les ruines du World Trade Center, quand même !

Michel Peyrard : Y’a plein de choses qui sont troublantes en ce qui…

Thierry Ardisson : Mm.

Michel Peyrard : en ce qui concerne le 11 septembre. De là à extrapoler… tant qu’on aura pas…

Thierry Ardisson : Bien sûr.

Michel Peyrard : C’est un peu précoce, je veux dire, ce révisionnisme-là est trop précoce.

Thierry Ardisson : Mm.

Michel Peyrard : Il faudrait attendre un peu, avoir accès aux files du FBI tout simplement.

Thierry Ardisson : Mm.

Michel Peyrard : Parce qu’on nous dit : « On nous le cache ». Non, c’est pour l’instant ils le donnent…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : pas mais…

Thierry Ardisson : Non mais, regardez !…

Michel Peyrard : on verra plus tard s’ils le cachent.

Thierry Ardisson : Michel, l’assassinat de Kennedy : au début on nous a expliqué que c’était Lee Harvey Oswald, et puis il a fallu quand même dix-quinze ans, on a fini par savoir que Lee Harvey Oswald, il avait sans doute tiré sur Kennedy mais enfin que c’était pas lui l’initiateur.

Michel Peyrard : Vous prêché un convaincu.

Thierry Ardisson : Marilyn Monroe : pendant des années on nous a dit qu’elle s’était suicidée. Non mais, c’est vrai ! (court commentaire que je n’ai pas compris et large sourire de Charly). Et un jour, on a découvert que les Kennedy, ils l’avaient peut-être un peu aidée. Non mais, c’est vrai tout ça !

Michel Peyrard : Ils sont capables de tout…

Thierry Ardisson : Mm.

Michel Peyrard : effectivement, mais il faut simplement apporter des faits.

Thierry Ardisson : Mm. Vous pensez quoi de l’attitude de la presse française actuellement ? Je pense qu’à part Le Monde qui était plutôt négatif sur le bouquin de Messan et LCI qui a entamé une vraie enquête cette semaine, tout le monde traite ça par le mépris. Et moi, ça me rappelle à une époque où y’avait des journaux, qui étaient certes des journaux pas très fréquentables comme Minute, qui disaient que François Mitterrand avait eu la francisque sous le maréchal Pétain. Et, à une époque, le fait de dire que Mitterrand avait eu la francisque, c’était considéré comme un blasphème ! Et puis un jour, bon, tout le monde a bien été obligé de reconnaître que Mitterrand avait eu la francisque. Alors, cette attitude de la presse française qui consiste à ignorer plutôt qu’à enquêter, vous en pensez quoi ?

Michel Peyrard : Parce qu’il appartient pas à la tribu. Mais le grand mérite de ce bouquin, c’est de soulever les questions. A partir du moment où les questions sont soulevées, c’était d’ailleurs le mérite de votre émission la semaine dernière, ensuite que les cadors, que les…

Thierry Ardisson : Oui.

Michel Peyrard : limiers se mettent sur le coup, oui, je trouve ça intéressant.

Thierry Ardisson : Ben nous, on donne la parole. Moi, je suis pas juge d’instruction, je suis pas journaliste d’investigation. Nous, on donne la parole aux gens. Voilà. Puis après, aux autres d’enquêter, évidemment. Nous, c’est pas notre boulot…

Michel Peyrard : Non mais comme Messan s’est servi aussi de certains papiers…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : Karzaï, c’est sorti dans Le Monde…

Thierry Ardisson : Ouais, ouais.

Michel Peyrard : au mois de décembre. Donc à force d’échanges de bons procédés, on va peut-être arriver à quelque chose. Oui, pourquoi pas ?

Thierry Ardisson : Mais en tous les cas vous pensez quand même qu’il y a des choses qu’on nous dit pas ?

Michel Peyrard : Je pense qu’il y a des choses qu’on nous dit pas. Je pense que y’a des raisons objectives pour qu’on ne nous les dise pas dans certains cas. Et puis je pense que, par ailleurs, y’a de vraies enquêtes à faire. Mais je suis contre l’idée de construire déjà une…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : une théorie globale (il fait un globe avec ses mains)…

Thierry Ardisson : Une théorie complète, oui.

Michel Peyrard : à partir du moment où on manque, pour l’instant, singulièrement de matos.

Thierry Ardisson : Merci. (S’adressant à Emmanuelle Devos qui est assise à côté de Michel Peyrard.) Vous avez une question à poser, Emmanuelle, à… C’est formidable, non ? Vous aimeriez pas être amoureuse d’un grand reporter (éclat de rire de Michel Peyrard) comme ça qui fait la guerre et tout ? Moi, j’adorerais.

Michel Peyrard : Monsieur, s’il vous plaît ! (éclat de rire général).

Emmanuelle Devos (souriant et touchant de la main de bras de Michel Peyrard) : Oui, j’aimerais tellement ! Mais c’est atroce de le voir partir ! Et apprendre qu’il se fait lapider, c’est abominable !

Thierry Ardisson : Ah !

Michel Peyrard : La lapidation, c’est assez spéciale, ouais !

Emmanuelle Devos : Oui, oui.

Thierry Ardisson : Quand vous dites…

Emmanuelle Devos : Ça doit être affreux, quoi !

Thierry Ardisson : Sérieusement, vous avez une famille ?

Michel Peyrard : J’ai une famille, oui

Thierry Ardisson : Vous avez choisi la guerre ?

Michel Peyrard : J’ai choisi de couvrir la guerre, pas de la faire. J’ai jamais porté une arme, je déteste le…

Thierry Ardisson : Mm.

Michel Peyrard : je déteste la violence, jamais. Naturellement, on m’a proposé. On tombe toujours sur des miliciens qui sont ravis de nous faire essayer leur dernière…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : leur dernier modèle de kalach…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : j’ai jamais porté une arme de ma vie.

Thierry Ardisson : Ouais.

Lulu : Vous allez repartir comme ça sur des conflits ?

Michel Peyrard : Je repars, dès la semaine prochaine, ouais.

Charly : Vous prenez une compile de Joe Dassin ? (éclat de rire général).

Michel Peyrard : D’ailleurs je repars en Colombie et…

Thierry Ardisson : Oui. Ah ! On va parler d’Ingrid Betancourt. Voilà !

Michel Peyrard : et j’en profite pour vous parler d’Ingrid.

Thierry Ardisson : Oui. Disons. Voilà, voilà.

Michel Peyrard : Elle se présente pour dénoncer un régime corrompu. C’est elle qui est à l’origine des révélations sur les liens troublants entre le cartel de Cali et l’ancien président. Elle a des relations extrêmement hostiles avec le nouveau président. Aujourd’hui samedi, ça fait un mois qu’elle est aux mains de la guérilla des FAR, et on n’en parle plus…

Thierry Ardisson : Ouais.

Michel Peyrard : donc, ben, c’est le moment.

Thierry Ardisson : On en reparlera…

Michel Peyrard : On va remettre une petite couche

Thierry Ardisson : On en reparlera parce que nous, on est très têtu…

Michel Peyrard : Je me souviens, oui.

Thierry Ardisson : Souvenez-vous de Michaël Blanc !

Michel Peyrard : Je me souviens de Michaël Blanc.

Thierry Ardisson : Voilà. (Large sourire et rire de Michel Peyrard.) Merci beaucoup en tous les cas d’être venu ici pour…

Michel Peyrard : Merci à vous.

Thierry Ardisson : nous parler de votre livre. Alors si vous avez été très très nombreux à acheter le livre de Thierry Messan la semaine dernière, cette semaine vous serez très nombreux, parce que c’est aussi passionnant, à acheter le livre de Michel Peyrard. Ça s’appelle Poste n°3. Hôte des taliban, c’est chez Pauvert. Merci.

Michel Peyrard : Merci à vous.

Thierry Ardisson : Merci.

(Michel Peyrard remercie autour de lui et se lève pour sortir sur fond musical d’orchestre de film hollywoodien avec trompettes glorieuses en avant.)

Thierry Ardisson : Michel Peyrard ! (il montre la couverture du livre).

Transcription de Paul Vannieuwenhuyze.

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