M. YY. |
M. XX |
Copie : Me ZZ. – xx, rue CC – xxxxx DDD
Tél. : – Télécopie :
Aff : XX / YY.
BBB, le 4 novembre 2001.
Monsieur le Directeur Général,
Dans mon dernier fax du 29/08, je vous ai transmis les coordonnées de mon avocat, Me ZZ, de façon à ce que le ou les vôtres puissent entrer en contact avec lui. J’apprends qu’aucun courrier n’a été reçu par Me ZZ par quelqu’un chargé de vous représenter.
La procédure judiciaire que je mets en route contre vous fait référence à des actions criminelles extrêmement graves. En dehors des faux contrats de travail et de l’établissement d’un système de harcèlement moral par précarisation sans justification économique d’une partie de votre main-d’œuvre au sein de la Société UU, il y a le délit généralisé de CDD après délégation en intérim et, surtout, le délit généralisé de marchandage (art. L. 125-1 et suivants du Code du travail).
En ce qui me concerne, il est évident que je n’étais pas doté d’une technique spécifique à la société EE pour intervenir dans votre entreprise puisque je n’ai été embauché par EE qu’au premier jour de mon intervention chez UU. Il s’agit clairement de fourniture illicite de main-d’œuvre aussi appelée marchandage.
Ce délit de marchandage, vous le commettez avec de nombreuses autres sociétés prétendument sous-traitantes. Un juge d’instruction sera intéressé de savoir en quoi, par exemple, votre personnel de ménage ou vos agents de sécurité sont-ils dotés d’une technique spécifique à leur société prestataire pour effectuer le balayage ou la ronde de nuit chez UU ?
L’ensemble des opérations contractuelles concernant votre main d’œuvre est réalisé de façon rationnelle, en relation avec plusieurs personnes et sociétés. Il ne s’agit pas de petits délits ponctuels soumis à divers aléas mais d’un système rodé, permanent et organisé. Nous sommes donc en présence d’une association de malfaiteurs dirigée par vous.
C’est donc principalement pour association de malfaiteurs que je me porte partie civile contre vous et vos complices auprès de la Cour d’Assise de Paris. Ce crime ne relevant ni du Tribunal des Prud’hommes ni du Tribunal Correctionnel mais de la Cour d’Assise et des jurés populaires.
Face aux problèmes, il est dans la nature humaine d’être indolent et de se laisser porter à croire que rien de grave ne va se passer. Les procéfures judiciaires sont extrêmement lentes, et encore plus quand on fait appel comme moi à l’aide juridictionnelle, ce qui ralentit d’autant le démarrage du dossier. Mais elles finissent par aboutir un jour ou l’autre sur le bureau d’un juge d’instruction et sur celui d’un procureur de la République.
Une fois le dossier entre les mains du procureur, un éventuel désistement de la partie civile ne met par obligatoirement fin aux poursuites judiciaires. Le droit français fait que le procureur reste indépendant des décisions de la partie civile. Il n’y a donc pas en France de possibilité vraiment sûre de négociations de dernière minute entre les parties comme dans le droit américain ou celui d’autres pays. En France, une fois le procureur impliqué, les négociations de la partie civile ne l’engage aucunement. Il peut en tenir compte comme il peut les ignorer et décider de poursuivre tout de l’action judiciaire.
C’est maintenant que votre ou vos avocats doivent se mettre en rapport avec le mien, une mauvaise négociation valant toujours mieux qu’un bon procès. Il sera inconséquent de me reprocher ultérieurement une vindicte dont votre inaction présente sera la seule responsable. Il reste quelques délais avant que ce dossier n’atteigne le bureau du procureur. Je peux encore l’arrêter si nous arrivons à un accord raisonnable pour l’intérêt de la justice et des parties. Passés des délais qu’il est difficile de déterminer, j’aurais beau signer tous les désistements qu’on voudra, cela ne mettra plus obligatoirement fin aux poursuites judiciaires.
Dans le cas où vous penseriez que les délits commis par vous sont sans conséquences graves car ayant toujours été tolérés dans la pratique, je vous informe qu’il ne s’agit que d’un état de fait et non de droit, état de fait récent et circonstanciel qui s’est développé uniquement au cours des deux ou trois dernières décennies, et auquel des magistrats peuvent légitimement penser au vu de si nombreux abus qu’il serait temps de mettre fin en faisant quelques exemples retentissants. Aussi je vous recommande de prendre l’avis d’un conseiller juridique compétent. Je vous rappelle que je vous attaque en justice dans le but d’obtenir contre vous, entre autres choses, une condamnation à vingt ans de réclusion criminelle. Je n’ai pas pour habitude de déclarer des choses que je ne fais pas. Je vous prie de prendre cette affaire au sérieux.
Sous toute réserve.
Recevez, Monsieur le Directeur Général, l’assurance de mes sincères salutations.
M. XX.
Extraits du Code du travail :
Art. L. 125-1. Toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’œuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application des dispositions de la loi, de règlement ou de convention ou accord collectif de travail, ou marchandage, est interdite (…) Le délit de marchandage n’est pas subordonné à un mode particulier de rémunération. L’opération de fourniture de main-d’œuvre présente un caractère lucratif dès lors que l’entreprise bénéficiaire n’a pas à supporter les charges sociales et financières qu’elle aurait eues si elle avait employé ses propres salariés (…) En constatant que des salariés prétendument passés au service d’une société sous-traitante ont continué à travailler dans les mêmes sociétés, étaient intégrés dans les équipes de travail de ces sociétés et soumis à l’autorité de leurs agents de maîtrise, les juges ont pu caractériser le délit de fourniture de main-d’œuvre à but lucratif ayant eu pour effet de priver les salariés des garanties légales en matière d’embauchage et de licenciement, du bénéfice des conventions collectives et des avantages sociaux conférés aux salariés permanents. Le délit de marchandage est caractérisé dès l’instant que les salariés mis à disposition n’ont pas perçu les mêmes avantages que les salariés permanents (…) La responsabilité pénale de présidents de sociétés pour délit de marchandage est justement retenue, lorsqu’il est relevé un prêt de main-d’œuvre à but lucratif de l’une à l’autre, occasionnant aux salariés un préjudice lié à la perte d’une convention collective applicable plus favorable et à la conclusion de contrats de travail à durée déterminée avec durée minimale et sans terme précis, hors les cas légaux (…)
Art. L. 125-3 Toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre est interdite sous peine des sanctions prévues à l’article L. 152-3 dès lors qu’elle n’est pas effectuée dans le cadre des dispositions du livre 1er, titre II, chapitre IV du présent code relatives au travail temporaire (…) Caractérise le prêt de main-d’œuvre illicite l’arrêt qui relève que le seul objet de la convention entre deux sociétés était la fourniture de main-d’œuvre et que, ce contrat ayant été conclu moyennant une rémunération, l’opération avait un but lucratif (…) Est illicite le contrat de mise à disposition de salariés prévoyant le
transfert du lien de subordination, l’obligation pour l’utilisateur de payer les salaires par l’intermédiaire de l’employeur initial, lequel prélevait un bénéfice et facturait les prestations de travail en fonction du nombre d’heures de travail (…) Caractérisent la fourniture de main-d’œuvre illicite les juges qui constatent que la convention litigieuse ne présentait pas les caractères
d’un contrat d’entreprise dès lors que les salariés étaient placés sous l’autorité de l’entreprise utilisatrice, que celle-ci définissait les tâches à exécuter (…) et que la société de prestations de services ne mettait en œuvre aucune technique qui lui fût propre (…) lorsque le savoir-faire du personnel mis à disposition n’est pas distinct de celui de l’entreprise utilisatrice (…) dans des conditions imposants une réelle précarité pour la main-d’œuvre extérieure
(…)