Quelques notions d’avertissement au sujet du texte qui suit : il s’agit d’un témoignage, parmi bien d’autres, sur les outils paranoïaques qu’utilise la Scientologie envers ses propres membres du personnel, ceux-ci ayant souvent abouti à la mort (suicides entre autres) ou à la folie. Il ne s’agit que d’une des facettes des folies appliquées en scientologie ; divers jugement très documentés ont décidé que des membres étaient criminels, et les ont condamnés à de lourdes peines, y compris en France (le gourou a pris 4 ans ferme in abstentia en 1980). Ces crimes étaient le fait gens qui ont reçu un lavage de cerveau façon scientologie, dont voici une description parmi d’autres.

(Note du traducteur : les sous-titres ne sont pas dans le document original.)

REDEMPTION PROJECT FORCE

(Le « projet force de rédemption » ou « force de réhabilitation »)

De : rev. Dennis L.Erlich.

Groupe de news : alt.religion.scientology.

Objet : personnes perdues par la scientologie.

Date : mardi 4 février 1997, 6 h 41.

(Traduction du texte d’Annie ROSENBLUM, qui écrivit son compte-rendu de certaines atrocités rencontrées sur le « RPF », l’enfer scientologue des membres du personnel qui n’ont pas agi comme la direction le demandait.)

J’ai connu Annie. Je suis allé sur le RPF des RPF peu après qu’elle eut quitté la Floride. C’était une jeune femme vraiment agréable et amicale (note de Dennis L. Erlich).

Ce qui suit est la transcription d’un extrait de la déclaration d’Annie Rosenblum au sujet de son expérience de la scientologie. Je peux vous garantir que ce qu’elle dit concernant les traitements inhumains reçus pendant le RPF est exact, quoique minimisé. C’est jusqu’ici la meilleure description du RPF que j’ai rencontré.

(Note du traducteur : les termes scientologiques étant peu connus et pratiqués du grand public français, il seront soit expliqués entre crochets [ ] soit traduits en langage français compréhensible.)

DECLARATION D’ANNIE ROSENBLUM
REDEMPTION PROJECT FORCE
(LE « PROJET FORCE DE REDEMPTION », dit « RPF »)

Le RPF fut créé en 1974 par LRH (fondateur de la Scientologie-Dianétique, initiales LRH pour Lafayette Ronald Hubbard) pour les gens qui avaient des « problèmes d’éthique » n’ayant pas été maniés (éthique est à prendre ici dans le sens de discipline par rapport au groupe scientologue) tout autant que pour ceux qui avaient eu des « rockslams » [supposés criminels malfaisants]. Les règles et règlements du RPF sont traités dans la série des « Ordres de Flag n°3434 ». La base même est l’ordre de Flag n°3434 lui-même. Il existe nombre d’autres bulletins émis au fur et à mesure que l’on ajoutait des règles et règlements au RPF. Ces règles sont dans la série 3434 et numérotés par exemple : F.O. 3434-1, FO 3434-2, etc. Je crois qu’ils étaient au 3434-30 au moment où j’ai quitté.

L’idée du RPF consiste à « réhabiliter » les gens qui sont « out ethics » (dont l’éthique ne donne pas satisfaction), les SPs [personnes supposées suppressives] et/ou les psychotiques.

Le RPF est une unité vivant en autarcie. En d’autres termes, elle manie sa propre tech (tech = technologie de Hubbard, le gourou), sa discipline, etc. La personne qui est à la tête est appelée le « Bosun du RPF ». (C’est à dire, en langage maritime, Maître d’Equipage, car Hubbard aimait les termes maritimes). Juste en dessous du Bosun du RPF se trouve le Maître d’Armes du RPF, appelé « MAA du RPF ». En dessous dans la hiérarchie on trouve les chefs de section et les membres du RPF. Il y a 5 à 8 personnes dans chaque section, chacune étant désignée par une lettre [section A, B, etc.] Chacune de ces sections doit effectuer différents nettoyages ou projets. L’unique exception est la « section technique » qui ne travaille pas sur les projets parce qu’elle doit assurer la « co-audition » entre membres du RPF.

Le RPF opère en deux postes ; lorsque l’un est en étude, l’autre poste est au travail. Lorsque je fus envoyée pour la première fois sur le RPF, le bâtiment de la Banque de Clearwater [que possédait la scientologie] venait de brûler, ma section devant assurer le sauvetage des dossiers de la ligne SO1 [SO1 signifiait que les lettres adressées à Hubbard étaient supposées recevoir une réponse personnelle de sa part, ce qui n’était pas le cas : c’est l’unité SO1 qui recevait l’entraînement nécessaire pour répondre et imiter la signature de Hubbard à la perfection].

Je me levais à 5 h 45 et nous nous retrouvâmes au garage de l’hôtel Fort Harrison (principal bâtiment du QG de la secte à Tampa). Il y eut l’appel, puis nous allâmes faire les « nettoyages », c’est-à-dire les corridors et salles de bains du Fort Harrison. Ensuite déjeuner, puis de nouveau appel, puis cinq heures d’étude. Après cela, retour au maniement des dossiers de la SO1. Puis un dernier rassemblement avant d’aller au lit. Il y avait encore une vérification au lit pour tous.

Voici les règles du RPF :

Interdiction de marcher : il faut courir sans cesse.

Interdiction de parler à quiconque hors du RPF.

Il n’était pas autorisé d’émettre une communication quelconque, que ce soit par écrit ou oralement, sauf situation d’urgence, à quiconque en dehors du RPF, à moins d’en avoir obtenu l’autorisation expresse de vos supérieurs sur le RPF.

On ne vous autorisait pas à aller où que ce soit de votre propre initiative, à moins d’y être autorisé d’avance. Même pour aller aux toilettes, il fallait être accompagné. Ceux qui voyaient qui que ce soit aller seul quelque part devaient l’accompagner et en faire le rapport, sous peine d’ennuis.

Il fallait appeler les supérieurs du RPF « Sir » [marque très polie et déférente en anglais] en leur parlant, et, en cas de nécessité, parler aux membres extérieurs au RPF, en s’adressant également à eux par « Sir ».

Tout courrier qu’on expédiait devait être fourni dans une enveloppe ouverte, timbrée, et mis à la boîte aux lettres du RPF. Le Maître d’Armes du RPF lisait tout ce qui partait. Il était interdit d’envoyer quoi que ce soit directement hors du RPF et, en particulier, le courrier personnel.

Seuls les lieux désignés pour le RPF étaient fréquentables par les membres du RPF. Il s’agissait pour moi du Garage du Fort Harrison [garage de quatre étages en spirale], et de la salle de cours du RPF, au second étage du garage. On n’avait pas le droit d’aller où que ce soit d’autre, sauf pendant les nettoyages du reste des bâtiments du Fort Harrison.

Obligation de porter des bleus de travail bleus ou noirs, ou des chemises et pantalons équivalents.

Aucun « luxe » (leur propre terme) n’était autorisé, comme de la musique ou voir la TV. (Une fois, une douzaine de staffs furent expédiés au RPF des RPF [l’enfer des enfers en scientologie] pour avoir regardé la TV alors qu’ils étaient malades ensemble dans une chambre), jeux de cartes, parfums, etc., toutes ces choses étaient interdites.

Il existe un Ordre de la série 3434 appelé « Rocks and shoals » [écueils, hauts fonds] contenant des pénalités attribuées pour toute incartade telle que ne pas appeler un supérieur « Sir »", marcher au lieu de courir, laisser une tache sur un miroir qu’on avait frotté, etc. Les pénalités consistaient à faire tant de tours de piste (un tour consistant à monter et redescendre la rampe du garage en courant), ou en pompes et autres exercices.

Quand je suis arrivée au RPF, je suis allée voir le Maître d’Armes, responsable de la discipline, et l’on me donna des formulaires à signer. Je ne me rappelle pas lesquels, je ne me souviens pas de les avoir lus. Je me rappelle vaguement que l’un disait que j’entrais au RPF de mon plein gré pour parvenir à la rédemption, que l’on m’y traitait bien, que j’y étais bien nourrie, etc. Je ne me rappelle pas du tout ce que j’ai signé d’autre. J’étais encore en état de choc d’avoir été assignée au RPF, je sais seulement qu’il s’agissait de formulaires émanant du GO  [les services secrets de la secte, anciennement appelés Guardian Office, c’est-à-dire Bureau du Gardien, désormais appelé OSA, Bureau des Affaires Spéciales].

La seconde étape consistait à être « dirigée dans le RPF » [routage est l’équivalent anglais du terme utilisé], en commençant par découvrir dans quelle « condition » j’étais pour moi-même (le RPF correspondant en soi à la condition de risque pour le Groupe scientologue, c’est-à-dire votre relation avec les autres scientos). Lorsque vous remontez la « formule de risque », vous êtes censé faire signer votre formule écrite à tous les membres du personnel de la Base de Flag [ces étapes écrites montrent que vous avez expié et fait amende pour vos actes néfastes envers la scientologie, et que vous êtes prêts à reprendre votre participation dans le groupe] ; ce n’est qu’alors qu’on vous considère sorti du RPF. La condition est alors remplie pleinement en ce qui concerne le groupe.

Pour achever le RPF, on doit co-auditer le programme du RPF 5 heures par jour, durant les heures allouées à l’étude. Le programme, quand j’y étais, consistait en :

– confession classée (questionnaires de sécurité envers vos propres actions néfastes) ;

– procédure sur les drogues amplifiée, incluant une batterie de procédés « Objectifs » ;

– méthode Un de Clarification des mots [autre procédé spécial pour l’étude] ;

– Dianétique Amplifiée [supposée manier les buts malfaisants] incluant le maniement des rockslams [les mouvements supposés détecter ces buts néfastes] ;

– Conditions et Echanges par dynamique [procédés complexes aboutissant au lavage de cerveau recherché].

Dans le RPF, tout le monde a un « jumeau » à co-auditer. Non seulement on doit finir le programme pour soi mais, de surcroît,  il faut le faire achever à l’autre.

Les actions d’audition sont apprises et exécutées d’affilée (on apprend la théorie, on fait les exercices, on audite après vérification par le superviseur du RPF).

Tout a lieu dans une même salle sur des tables alignées. C’est très dur en premier lieu de s’y faire, et au bout d’un moment, cela cesse de vous gêner, vous vous fichez de toutes ces inepties que vous dites en séance d’audition et que d’autres entendent, car vous savez que tous les autres sont aussi fous que vous. C’est ainsi que pensent la plupart de gens là-bas.

Après avoir été un moment au RPF, vous apprenez « à accepter le fait que vous êtes cinglé et que c’est pour cette raison que vous faites le RPF ».

Quand on était audité, il y avait pas mal de gens qui piquaient des crises durant leur séance (ils commençaient à hurler, pleurer, etc., pendant la séance). Le superviseur technique les sortait alors de la pièce et ils continuaient à s’auditer dans le garage.

La paie au RPF

Nous recevions 2O F par semaine (4 dollars). Si nous avions du savon à acheter, ou des cigarettes ou quelque chose du genre, on donnait une liste de ce qu’il fallait et l’argent à celui qui faisait les courses une fois par semaine. Nous n’avions pas le droit d’y aller nous-mêmes : pas le droit de mettre un pied hors du bâtiment !

J’étais « sur le pont » [en raison du terme pont, dans la marine] travaillant sur des projets depuis plusieurs mois. Je devins alors Responsable Technique d’un des deux postes. Au bout de quelques temps, j’ai eu des difficultés pour dormir, mon audition tournait mal. Ma tête foutait le camp. J’étais habituée au travail de nuit, ayant été « messagère », aussi j’ai demandé à devenir superviseur des cas du RPF [superviseur des cas : la personne responsable des programmes d’audition et du redressement des erreurs d’audition]. Je lisais toutes les séances chaque nuit, mettais leurs notations aux auditeurs, et décidais quoi faire parcourir aux préclairs [les patients en scientologie] le jour suivant. C’est ce que je fis jusqu’à ce que je quitte.

Lorsque je vins pour la première fois au RPF, on mangeait sur une table dans le garage. Quand vint l’hiver, il faisait un peu froid, et cela faisait mauvais effet pour les gens du public qui venaient se faire auditer (en payant) à Flag et qui nous auraient vus. Ces personnes venant se faire auditer nous croisaient en allant reprendre leurs voitures. On nous mit alors dans une salle à manger « inférieure » des staffs, où nous allions manger après que les autres staffs avaient achevé leur repas.

C’est ainsi qu’on dort

Pour dormir, c’était très moche. Les hommes dormaient dans ce qu’on appelle la salle de cours du RPF pendant la journée, une veille pièce de stockage sans fenêtres. Ils mettaient leurs matelas par terre, la pièce en était entièrement couverte. Quant à moi, au début, les filles dormaient dans un couloir proche de l’ascenseur conduisant au garage. Des matelas y couvraient également le sol. On nous transféra ailleurs au Fort Harrison, dans une autre vieille pièce de stockage sans fenêtres. Ils nous laissaient faire tourner les ventilateurs pendant la nuit pour que nous ne suffoquions pas, mais la porte était fermée pour empêcher les gens de filer à l’anglaise. Un MAA du RPF ou quelque supérieur du sommet du RPF dormait près de la porte, et des vérifications de lit étaient faites chaque nuit. Il y avait aussi constamment les gardes de la sécurité du Fort Harisson, plus un « garde du RPF » passant la nuit au garage.

En décembre 1978, on nous mit dans un entrepôt situé dans le garage. C’était fait en partie de bois, en partie de béton, construit contre un des murs du garage pour servir d’entrepôt. Mais le RPF devint tellement important qu’on le transforma pour en faire le dortoir des filles. On y fit des sortes de lits à étages sommaires, environ la moitié de la taille d’un lit à deux places, ou moins, empilés sur trois ou quatre hauteurs et posés côte à côte. Il fallait ramper dans une sorte de tunnel pour aller se coucher. Le pire, c’est que nous inhalions toute la fumée des voitures passant dans le garage, en plus du bruit qu’elles faisaient en entrant ou en sortant.

Nous avions des visites de routine de la part des Officiels de Tampa [la ville où est installée le QG de la secte] s’occupant de la Sécurité incendie et de la Santé. D’une manière ou d’une autre, le GO [service secret] savait quand cela allait arriver, et nous étions prévenus. Quand ils arrivaient, nous empilions les matelas, boîtes et toutes sortes de machins qui servaient dans ce « dortoir » pour que cela ait l’air d être un entrepôt. Les officiels ne soupçonnèrent apparemment jamais que des gens habitaient là. Si un officiel débarquait sans prévenir, quelqu’un du GO le déroutait vers des zones du Fort Harrison qu’il pouvait visiter, pendant que nous retransformions ça en entrepôt. Les membres du personnel du Fort Harrison n’étaient pas mieux lotis : nombre d’entre eux dormaient dans de toutes petites chambres à 6 ou 8. Lorsque des officiels arrivaient, on mettait un panneau « Confession en cours » afin que personne n’entrât, et le GO ne faisait voir que les quelques chambres à deux ou trois lits.

Je trouve particulièrement difficile de décrire ce qui m’est arrivé, mentalement et émotionnellement, lors du RPF. J’ai passé les premières semaines à recevoir vérification de sécurité sur vérification de sécurité. La première concernait tout ce que j’avais pu dire ou fait à quiconque au moment où j’avais filé à l’anglaise, et tous les « actes néfastes » alors que je me trouvais en poste au « WHQ », le Quartier Général Ouest à La Quinta, Californie. Je reçus ensuite la visite de quelqu’un du GO m’accusant d’avoir pris de l’argent au WHQ. On me fit une vérification de sécurité à ce propos. Puis à propos de mon poste de messagère, je reçus une vérification de sécurité spécialement écrite par CMO [Organisation des messagers du Commodore Hubbard], concernant tout ce que j’avais pu voir ou savoir à ce moment.

Une fois ceci achevé , on m’assigna un « jumeau » et j’entamai mon programme d’audition du RPF. C’est à ce moment que je me rendis compte que j’avais « rockslammé » (voir page 1) et que j’étais donc un « cas R/S liste 1 » [personne supposée totalement psychotique ou suppressive], car la personne avec qui l’on m’avait mise était un cas à R/S liste 1 ; or on ne mettait jamais ces cas autrement qu’ensemble, selon les règles du RPF, celles du programme 3434. J’avais évidemment rockslammé sur une vérification de sécurité et l’on me considérait dès lors comme une menace pour LRH.

On y devient fou

Ceci me causa un très grand choc, car je savais que les rockslammeurs de liste 1 étaient des gens suppressifs, et que j’étais donc une personne suppressive, ce qui d’après leurs règlements, voulait dire que j’étais malfaisante et psychotique. Il me fallut des semaines pour pouvoir « accepter » le fait que je sois une SP (Personne Suppressive) et que j’avais besoin du RPF, que c’était mon unique espoir de salut.

Cette histoire de psychose vous est tout à fait imposée alors que vous êtes au RPF. Lorsque je pensais que je n’étais pas capable de manier le RPF, j’avais parlé au Maître d’Armes du RPF à ce propos. Il me fit lire les lettres de règlements de Hubbard – les « policies » concernant les rockslams et les rockslammeurs, la psychose et les psychotiques. Puis il m’expliqua comment le RPF était combiné pour leur maniement, les psychotiques ne pouvant obéir aux ordres, ni finir les cycles d’action (en d’autres termes, ils n’étaient pas capables de finir ce qu’ils entamaient). On vous raconte que les règles du RPF sont là pour tenir sous contrôle les psychoses de toute personne, jusqu’à ce qu’on puisse les auditer et les manier.

Lors des rassemblements, les gens disent leurs « succès », leurs « gains », du genre :

« Aujourd’hui, j’ai réalisé pourquoi je suis au RPF. J’y suis parce que je suis vraiment psychotique à propos de plusieurs choses, et qu’il faut vraiment que je manie ça. Et tout ce que j’ai à dire, c’est merci à LRH de me donner cette chance d’être manié et d’obtenir la rédemption » ;

« Aujourd’hui en audition, nous avons manié une psychose que j’avais depuis des trillions d’années, nous l’avons remontée jusqu’au basique [premier élément d’une chaîne d’éléments mentaux, cet élément étant supposé tenir la chaîne et l’aberration qui en découle]. Je sais que je n’aurai plus jamais cette psychose » ;

« Je viens de finir de manier un cycle d’éthique avec le MAA du RPF et c’est probablement la meilleure chose qui me soit jamais arrivée. J’ai découvert que mon éthique n’avait jamais été convenable depuis que je suis entré en scientologie ; comme mon éthique n’était pas en place, la tech [de Hubbard] ne fonctionnait pas sur moi, si bien que je n’obtenais pas les gains que j’aurais dû avoir. Je peux donc enfin dire que je suis un vrai scientologue et que je sais que la tech de Ron est la plus grandiose existant au monde ».

Après ces sorties, tout le monde applaudissait dans la salle de cours. Il ne s’agit que de quelques exemples de ce qui se disait.

L’enfer des enfers scientologues : le « RPF du RPF »

A l’intérieur du RPF, il y a le RPF du RPF. C’est là qu’on envoie les gens qui n’ont pas réalisé qu’ils avaient besoin du RPF. A Clearwater, on les envoyait à la chaufferie sous bonne garde, évidemment, et là, il fallait qu’ils passent les journées complètes à nettoyer les tuyaux et les murs de la chaufferie.

On les maintient à l’écart des autres membres du RPF. On leur donne un crayon et un papier pour écrire leurs exactions et remonter leurs « conditions d’éthique » les plus basses, pendant qu’ils sont à la chaufferie. Ils ont droit à 15 minutes pour se doucher avant de se coucher, à 5 heures de sommeil en moyenne. Ils mangent après que le RPF a achevé son repas, et ont à peine le temps de le faire. Ils faisaient ça jusqu’à ce qu’ils réalisent à quel point ils étaient mauvais et suppressifs et à quel point ils avaient besoin du RPF.

Privation de câlins… même pour les gens mariés

Pendant que j’étais là-bas, une douzaine de gens ont été expédiés sur le RPF du RPF. L’un d’eux avait été expédié parce qu’il avait glissé dans les escaliers et déclenché la sirène d’incendie par accident. Habituellement, ceux qu’on y envoyait étaient ceux qui voulaient s’en aller ou qui s’étaient engagés dans quelque affaire de sexe façon Hubbard [ceci signifiant qu’il pouvait s’agir d’une caresse sur la main ou d’un baiser]. Il était interdit, à moins d’être marié, d’avoir des relations avec quelqu’un de sexe opposé.

Les gens mariés voyaient leur époux (épouse) pendant l’interruption de repas d’une demi-heure. L’époux devait rejoindre le membre du RPF pendant le repas, car ceux du RPF ne pouvaient pas sortir. Si les « statistiques » du membre du RPF étaient bonnes, ils avaient droit à une nuit ensemble par semaine, après le repas du soir, mais devaient revenir dès le lendemain au rassemblement matinal. La pièce autorisée pour cette nuit « dehors » était le centre de soin, qui ne servait pas la nuit. Le couple y balançait ses matelas et y dormait.

La seule « nuit extérieure » fut ensuite annulée par LRH vers juin-juillet 78. Les membres du RPF n’avaient plus droit aux contacts avec leur époux sauf une fois par jour aux repas. Cela se trouvait dans un Ordre de Flag 3434 de LRH.

Privation de voir ses enfants…

S’ils avaient des enfants, les gens du RPF pouvaient les voir durant l’heure de repas, plus une heure chaque semaine si leurs statistiques étaient bonnes.

L’audition du RPF m’a pratiquement détruite. J’avais beaucoup de mal à « retourner dans le passé, dans les vies antérieures ». Après avoir appris les « remèdes aux difficultés à aller dans les vies antérieures » où l’on apprend à dire n’importe quel truc qui vous saute à l’esprit, genre monstres ou navires spatiaux en guerre, ou n’importe quel truc, mon imagination commença à ficher le camp dans tous les sens, j’avais deux ou trois images qui me sautaient dessus à la fois, je n’arrivais pas à savoir laquelle était dans les vies antérieures, ou s’il s’agissait de mon imagination, ou si toutes arrivaient en même temps des vies antérieures, etc. On m’auditait sur des trucs que j’avais déjà vus. J’ai eu 3 ou 4 « procédures sur les drogues », « re-vérifications de ma Méthode 1 » [voir plus haut], 35 heures de « Procédure d’Ouverture par Duplication » [un procédé durant lequel vous vous promenez d’une table avec une bouteille dessus à une autre table avec une bouteille dessus, en les décrivant, pendant des heures entières, des semaines durant, dans certains cas]. J’étais très bouleversée, et plus je l’étais, plus on me donnait d’audition. Comme mon programme d’audition allait de mal en pis, je devenais de plus en plus une menace pour la sécurité, et on me remit sur les vérifications de sécurité pour m’extraire mes actes néfastes, mes retenues, etc. Je me tus en fin de compte, et leur laissais auditer ce qui les amusait.

Ceci m’amena à la « Dianétique Amplifiée », c’est là que s’auditent les « buts malfaisants », les mauvaises intentions, c’est là qu’on manie vos « rockslams ». Les buts malfaisants, c’est le genre « vouloir tuer », « désirer détruire », « vouloir tout casser », etc. Je dois en avoir parcouru des dizaines, lorsqu’ils en sont venus à ce maniement des rockslams. C’était vers début 78, je pense. J’ai beaucoup perdu le sens du temps. Tous les jours étaient pareils. Sans rien qui changeât. Les week-ends ? Identiques à la semaine. Tout cela me fait l’effet d’un gros mélange, plus encore après que j’ai entamé la Dianétique Amplifiée et que ma tête ait vraiment commencé à aller mal. J’étais la plupart du temps dans une sorte de nuage, de brouillard, c’est à peu près tout ce que je peux en dire.

Ce maniement des rockslams fut non seulement le moment où ma tête alla mal, mais en plus, j’avais la sensation d’être K.O., droguée, dans les vapes. Je passais en audition ces « buts malfaisants » liés aux rockslams, et je commençais à gueuler, et à voir les choses les plus étranges, du genre « être un autre », « exploser une planète », « se suicider », « ne jamais grandir », « me tuer », « détruire des corps » ; une liste sans fin. Ma tête était complètement coincée – dans les vapes, là-dessus. Je veux dire que je me sentais la plus abominable de toutes les personnes ayant jamais vécu. Je ne sais comment décrire ce qui se passait dans ma tête à cette époque, ça bouillait. Je me souviens avoir passé la moitié du temps vaguement morte. Je faisais les choses, comme si je me regardais en train de les faire sans m’en rendre vraiment compte, comme s’il s’agissait d’un autre en train d’agir ; je gueulais après mon auditeur, je jetais les boîtes de l’électromètre [le patient est lié à l’électromètre par des boîtes servant d’électrodes], je refusais d’aller en séance, je faisais une vraie scène. Ça finissait en éthique et on me collait une « garde de corps » sur le dos.

Malade… mais pas soignée

Il y a un ordre de LRH disant qu’on doit maintenir les malades à l’écart des autres. Une fois que l’Officier Médical [c’est quelqu’un de vaguement formé à quelques techniques de Hubbard, mais généralement ni un médecin ni même un infirmier] vit qu’on m’avait contrainte à ne plus être isolée, elle vint me voir et me reprit la température, qui était toujours élevée, si bien qu’elle me renvoya chez les malades.

Quand je quittais finalement le « débarquement pour maladie », c’était un soir. J’allai dans la salle de cours du RPF où l’on avait affiché un bulletin me jetant hors de mon poste et me remettant « sur le pont ». Je n’étais pas capable de manier cela, dans l’état d’esprit qui était le mien. Mon audition était dingue et la seule chose à laquelle je pouvais tenir dans la vie, c’était mon poste de C/S.

Fuir

Je vis l’ordre affiché, fis demi-tour, et allai me servir du téléphone intérieur du corridor.

J’appelai le « Chargé d’Inscription » de Fort Harrison sous un faux nom, la convaincant de me donner le numéro d’appel d’un autre scientologue à Clearwater. Cette personne était la seule que je connaissais qui ne soit pas membre de la SO [Sea Org : Organisation Maritime, le personnel le plus dévoué à LRH], pensant que cette personne ne moucharderait pas. Je fis alors le mur, et commençais à errer en ville. Personne ne m’avait vue, car comme j’avais juste quitté les malades et que nul ne le savait encore, je n’étais pas sous bonne garde.

J’ai marché un quart d’heure comme un zombi, un peu comme si ma tête était hors de tout espace ; rien ne me venait à l’esprit, vide complet, un zombi, quoi. Je ne remarquais rien de ce qui m’entourait ; je ne savais pas où j’allais, je marchais, quoi. Au bout du quart d’heure, j’ai commencé à réaliser que je venais tout bêtement de faire le mur. J’étais très très ennuyée, j’étais pétrifiée ; je voulais rentrer mais si je le faisais, je serais de nouveau sous bonne garde et envoyée au RPF du RPF. On me remettrait à nouveau sur la liste des « Mauvais Indicateurs », ces gens placés sous garde continuelle. J’étais sur la liste des Mauvais Indicateurs quand on m’avait sortie de mon poste de Superviseur, mais comme je n’étais pas encore sortie de la pièce des malades, on n’avait pas encore commencé à me garder.

Je ne sais pas où j’étais, quelque part dans Harrison Avenue, peut-être ? Je me suis assise sur un trottoir pour réfléchir. Puis, je me suis souvenue que j’avais le numéro de mon amie, je l’ai donc appelée depuis une cabine. Elle me dit le chemin pour aller chez elle. C’était à 7 ou 8 kilomètres. J’ai marché, et en y arrivant, il y avait quatre ou cinq gars qui m’attendaient… Je ne sais pas si c’est mon amie qui leur avait dit, ou si quelqu’un m’avait entendue quand j’avais demandé son numéro. J’ai complètement perdu la tête en les voyant ; j’ai hurlé, pleuré, leur disant que je voulais voir mon amie seule à seule. J’ai été très incohérente en lui parlant. Les larmes coulaient, ce que je disais ne voulait pas dire grand-chose, je continuais à crier que je ne pourrais plus continuer le RPF, que ce n’était pas de leur faute, mais de la mienne ; que j’avais besoin de Dianétique Amplifiée, qu’il fallait que je manie ça moi-même parce que j’étais psychotique, mais que je ne pouvais pas le faire dans le RPF, parce que j’étais trop « restimulée » et que je n’arriverais donc jamais à sortir du RPF. Je parlais comme ça venait. Mon amie m’a convaincue de retourner sur le RPF. Elle m’a dit qu’il fallait être fou pour s’en aller avec une « dette de déserteur » pareille, que je ne pourrais jamais la payer [la scientologie fait payer tous les services de formation et autres qui ont été pris par un membre du personnel, si celui-ci s’en va avant d’avoir rempli son contrat, même celui d’un milliard d’années ! C’est évidemment illégal, mais cela augmente la pression exercée : cette pratique se nomme « dette de déserteur »].

Elle me raconta qu’un de nos amis avait quitté la sciento et s’était tué peu après dans un accident de moto. Que j’allais fabriquer un « Motivateur » [si vous faites une mauvaise action, vous pouvez vous punir vous-même, c’est l’idée du Motivateur]. Finalement, je fus d’accord pour revenir et être « dirigée dehors » de l’Organisation Maritime.

Les gars m’escortèrent donc. On me mit sous garde immédiate. Je pense qu’on était début août. Les semaines suivantes me laissent le souvenir d’un brouillard indistinct, d’une masse de confusion. Je sais qu’on m’a fait une « Cour d’Ethique » [justice disciplinaire scientologue à caractère grave], un « Comité de Dénonciation » [plus grave encore] avec des témoignages. Tout cela servant à démontrer à quel point j’étais mauvaise de vouloir quitter. Si je commençais à « douter » de la scientologie, le Maître d’Armes me disait que je n’appliquais pas convenablement les « formules » d’éthique, et me faisait tout recommencer. Peu à peu, je devenais folle. J’étais gardée tout le temps, et refusais la plupart du temps de travailler. Finalement, on en vint à ce qu’ils me laissent simplement assise là, sans rien faire, ou en train de remplir mes formules de conditions d’éthique à longueur de journées. Parfois, il y avait deux personnes pour me garder. L’un des Maîtres d’Armes a essayé de me balancer au RPF du RPF, mais j’ai hurlé et crié que s’il me touchait, je le mordrais. Ils me laissèrent m’asseoir là, me harassant de temps à autre en me disant que je serais « déserteuse » ; ils me disaient : « Tu ne crois pas que tu pourrais au moins travailler un peu, ne serait-ce que pour payer le pain que tu manges ? ». A quoi je répondais : « Non ». Je crois qu’ils en étaient arrivés au point où ils ne savaient plus que faire de moi.

J’ai finalement dit que s’ils ne me laissaient pas partir, je deviendrais folle.

Amnistie façon sciento…

Le CMO [personnage haut placé] annonça alors que L. R. Hubbard avait accepté une « amnistie pour les membres du RPF ». Quand j’étais arrivée, nous étions une quarantaine ; nous étions désormais 130 à 150, la plupart n’arrivant pas à finir le RPF. L’amnistie ?… nous avions le droit de quitter le RPF si nous voulions ; nous n’aurions pas de « dette de déserteurs » (environ 30 à 40 000 dollars par personne), nous serions des scientologues « reconnus en bon standing », mais ne pourrions plus jamais retravailler sur le staff à moins de payer entièrement le programme d’audition du RPF que nous serions contraints de faire.

Cela signifiait que je pouvais partir et ne pas avoir de dette de déserteur. Cela comptait beaucoup pour moi, sachant que je ne pourrais jamais payer la dette, et que la scientologie était enragée à récupérer les sous. Mais je n’avais pas non plus d’argent pour payer l’audition du programme proposé, étant donné que j’avais travaillé pour eux pendant sept ans, sept jours sur sept, sans avoir perçu de salaire réel [maximum : 24 dollars/semaine]. J’étais prise dans un choix impossible. Le lavage de cerveau me faisait gober le fait qu’il me fallait absolument l’audition du RPF, mais je n’avais pas les moyens ; si je ne pouvais avoir les sous, je ne pourrais pas continuer la scientologie.

J’acceptai l’amnistie avec 7 ou 8 autres. Nous reçûmes alors des tonnes de vérifications de sécurité pour savoir si nous emmenions des documents de scientologie avec nous, quelles étaient nos intentions en partant, etc. Nos bagages et nos affaires furent fouillés pour s’assurer que nous n’avions aucun document interne, etc. Ils fouillèrent nos dossiers de patients [contenant toutes les confessions d’audition] et firent une liste de tout ce qui pouvait être utilisé contre nous, genre crimes ou délits de cette vie-ci, y compris avoir volé, avoir vendu de la drogue, s’être prostitué, etc., tout ce que la société considère immoral. Ces listes étaient alors transformées en « affidavits » [déclaration sous serment à valeur légale] et nous étions contraints de les signer. On nous emmena alors au bureau du GO [service secret] pour signer d’autres formulaires ; je ne sais quoi, je ne me rappelle pas lesquels. On me donna un stylo, je signai.

Le 2 septembre 1978, je pris l’avion pour le Colorado, avec un billet payé par mes parents.

Je pourrais résumer le RPF en une phrase : il s’agit D’UN PROCEDE PAR LEQUEL ON VOUS FAIT CROIRE QUE VOUS ETES FOU, ET QUI VOUS REND VRAIMENT FOU.

Après mon départ

Une fois au Colorado, j’ai passé la première journée collée dans un fauteuil à écouter de la musique. Je n’en ai pas bougé jusqu’à 2 heures du matin. Je n’avais envie de rien d’autre au monde que d’écouter de la musique.

Bien que je vive actuellement dans la terreur à cause de ce que j’ai subi en scientologie, contrôle constant et privations m’ont laissé une appréciation pour les choses simples de l’existence, des choses comme aller faire une promenade à pied ou en voiture, sentir le soleil sur soi, tout cela sans avoir quelqu’un sur le dos constamment en train de vous dire quoi dire et quoi faire ou pas. Je ne crois pas avoir jamais compris avant la liberté, ce que c’est qu’être libre, jusqu’à ce qu’on m’ait volé ma liberté.

Peu après mon retour à la maison, la catastrophe de Jonestown [930 morts « suicidés » de la secte du Guyana) est arrivée, et c’est ce qui m’ouvrit les yeux. Si Hubbard m’avait tendu le verre de poison en me disant de le boire, je l’aurais fait, sans me poser de questions et sans arrière-pensées. C’est à ce moment-là qu’eut lieu le choc qui me sortit de la scientologie.

J’ai écrit ensuite à quelques amis scientologues avec qui j’étais restée en contact, leur disant que je n’étais plus scientologue. Aucun n’a répondu, mais peu après, je reçus un « Ordre d’Ethique » me déclarant « Personne Suppressive » et m’expulsant de l’« église ».

Mentalement et émotionnellement, j’ai traversé des traumatismes réels pour m’adapter au monde extérieur. J’ai fait l’expérience d’un vrai choc de culture. Mes parents m’ont aidée. Ils m’ont laissé seule les premiers mois, je dormais et me reposais la plupart du temps. De temps en temps, ils m’emmenaient faire un tour dans les montagnes. Maman fut très compréhensive et ne me demanda jamais de parler de mes expériences, mais si je voulais parler, elle était là. Ils ne me firent jamais sentir que j’avais été stupide de faire ce que j’avais fait ; mais je me sentais idiote de l’avoir fait. J’ai commencé à sortir du brouillard au bout de deux mois, grâce à beaucoup d’amour et de tendresse.

J’avais 23 ans, je ne savais rien sur des choses comme : ouvrir un compte en banque, les taxes, les investissements, acheter une auto, la sécurité sociale (c’est un truc pour lequel on m’avait dit que cela avait trait à la retraite). Je me souvenais avoir entendu parler du Watergate, mais je n’avais qu’une impression assez vague sur le fait que Nixon avait dû s’en aller à cause d’un truc qu’il avait fait au parti Démocrate.

J’ai aussi vécu quelque chose qui a l’air généralisé chez tous ceux qui sont sortis d’une secte : une sorte de vide, dans lequel tout ce que vous aviez cru ayant disparu, cela ne vous laisse plus rien en quoi croire. C’est très étrange. J’ai passé une longue période durant laquelle je ne croyais en rien du tout, ni la TV, ni les livres, les journaux, etc. Je ne croyais rien, puisque je m’étais trompée à ce point moi-même, comment pourrais-je croire quoi que ce soit ensuite ?

Etude du « Contrôle mental »

J’ai alors étudié le contrôle du mental et ses effets. J’ai commencé à comprendre ce qui m’était arrivé.

Vers janvier-février 1979, j’ai décidé de faire quelque chose à propos de la scientologie. J’avais entendu que le Sénateur Dole faisait une enquête sur les sectes. Je lui ai écrit au sujet de la scientologie, de LRH, du RPF. Je n’avais pas signé de mon nom, mais je pense qu’il était possible de savoir qui avait écrit à cause des détails. De toute façon, peu après, j’ai commencé à recevoir des appels téléphoniques menaçants. Lors d’un des appels, on m’a dit : « Tu aimes tes parents, n’est-ce pas ? ». Puis on a ricané et raccroché.

Accident vraiment étrange

L’incident suivant est assez vague et je n’en suis pas très sûre.

Après un de ces appels menaçants, je suis allée au restaurant où je rencontrais généralement mon frère et des copains, près de chez mon frère. Je me rappelle avoir demandé un Tequila Sunrise en attendant mon frère. J’ai parlé à un type que je ne connaissais pas, qui s’est approché de moi. Il est parti assez vite. Je suis sortie peu après, en me sentant un peu bizarre, et la chose suivante qui me revient, c’est que j’étais au service psychiatrique de l’hôpital. Mes dents de devant étaient cassées. Apparemment, j’avais perdu l’équilibre et j’étais tombée sur le visage. Le médecin m’a dit qu’au laboratoire ils avaient trouvé des amphétamines, de la thorazine et d’autres médicaments dans mon sang.

Je ne prends aucun truc de ce type, et n’y ai pas accès. L’aspirine, c’est à peu près ce que je prends de plus costaud. Je n’ai pas le moindre souvenir d’avoir pris ces médicaments. Je n’ai pas de souvenir du moment écoulé entre le restaurant et le service psychiatrique. J’essaie de savoir ce que j’ai fait les jours qui ont précédé.

Je ne sais ce qui m’est arrivé. J’ai reçu, quelques jours plus tard, un appel au travail. Celui qui appelait a dit « la prochaine fois, tu n’auras pas autant de chance ».

J’ai consulté un thérapeute de l’Association pour la Santé Mentale après être partie de l’hôpital. J’étais d’abord terrifiée et glacée. Puis j’ai ressenti une haine et une colère des plus violentes, d’abord contre moi, puis contre la scientologie. En me retournant sur moi, j’ai été à deux doigts de me loger une balle dans la tête.

C’est bien loin désormais, et la colère m’a quittée. Je suis toujours bouleversée en parlant ou en pensant au RPF ou à ce qui m’est arrivé à l’hôpital. Je tremble, j’ai froid, je souffre d’insomnies. Il y a des moments où je « reviens dans le passé », dans le brouillard. Ça ne dure que quelques secondes. Cela m’arrive quand je suis mal à l’aise, comme lorsque je suis à côté de quelqu’un que je ne connais pas. On me dit quelque chose, et j’entends ; mais le mental est vide en réponse. Ça se produit même pour des gens qui me demandent l’heure, ou si on me demande si ce que j’ai mangé était bon. Il me faut plusieurs secondes pour répondre, et quand je réponds, ça me fait peur et me fait trembler pendant des heures.

J’ai déménagé en Californie en juin 1979 pour commencer une nouvelle vie.

Poursuites par des scientologues

Peu après avoir déménagé, mes parents ont reçu des appels de gens qui disaient être des « amis », voulaient savoir où j’habitais, ces choses. Quelques mois plus tard, quelqu’un a appelé mon dernier employeur au Colorado, disant qu’il était de « AVCO Finances », qu’il faisait un contrôle d’emploi sur mon compte. Debbie, la fille qui répondit à l’appel, a dit que je n’étais plus là. Celui qui appelait a pris l’air surpris, disant qu’il avait une demande de prêt, et demanda mon adresse actuelle, qu’elle donna. Une autre amie m’appela et me dit ce qui s’était passé. Je n’avais demandé aucun prêt. Maman a appelé les bureaux d’AVCO Finances de la zone de Denver ; personne n’avait entendu parler de moi. J’ai demandé aux gens de mon travail de ne donner aucun renseignement, sans mon avis. Heureusement, comme je venais de déménager, l’adresse qu’avait donné Debbie était inexacte.

La semaine suivante, mon ancien patron a reçu un autre coup de téléphone. C’est une autre fille qui a répondu ; la personne voulait parler avec la fille qui l’avait renseignée la semaine précédente, au sujet de ma vérification d’emploi. Debbie prit l’appel, celle qui appelait prétendit être « Janet, de la société Ætna Finances ». Elle lui dit qu’elle voulait re-vérifier mon adresse, mais Debbie refusa. La femme qui appelait était furieuse et la harcelait pour qu’elle la lui donne, puisqu’elle la lui avait déjà donnée la semaine précédente. Mais Debbie lui répondit qu’on lui avait demandé de ne pas le faire, et « Janet » répondit quelque chose du genre : « Ah ! vous êtes de mèche avec elle, et vous savez où elle se trouve ». Elle disait que j’avais demandé un prêt et que cela empêcherait que je l’aie. Debbie lui a finalement raccroché au nez. La personne a rappelé de suite, demandé à parler à Debbie.

« Janet » dit qu’elle venait de parler avec son superviseur et qu’elle ne comprenait pas pourquoi Debbie lui refusait l’information. Debbie lui dit de ne pas rappeler. « Janet » dit alors : « Bien, merci, Mademoiselle Sheffield », en colère, et raccrocha. Debbie n’avait jamais donné son nom de famille !

Peu après, j’ai contacté l’avocat Michael Flynn à Boston à propos de l’action de groupe contre la scientologie : mon superviseur, à mon travail, reçut un appel d’une personne qui ne dit pas qui elle était. La personne prétendait que j’étais dure, mauvaise pour ses affaires, que je causerais des pertes de clientèle… Ma chef a dit : « Je ne sais de quoi vous parlez, Annie est très bien. Bonne année ». Et elle a raccroché.

Je n’ai jamais été dure au téléphone chez ce patron, et si ça avait été un client, il se serait identifié car nous les connaissions tous très bien.

J’ai lu les affaires concernant Washington, les vols, cambriolages, et espionnages téléphoniques par le GO. On m’a donné pas mal d’exemples où le GO a espionné les téléphones d’anciens scientologues. Si le GO apprend que j’ai entamé cette procédure de groupe en justice contre la secte, j’ai peur de ce qui risque de m’arriver.

Annie Rosenblum.
Traduction de Roger GONNET.

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