Quatrième partie
M. Michel ROMAIN |
Patricia |
23, rue du Jour
91230 Yerres
Tél. 06.84.52.24.07
Patricia chérie,
Dimanche 26/04/98.
J’t’aim’, j’t’aim’, j’t’aim’. Tu n’as aucun amour pour moi, aucune affection, même pas un soupçon d’amitié. Bien. Personne n’est parfait ! Ce n’est pas que j’aie l’intention d’insister. Non, je vais me calmer. Je vais déposer la grosse artillerie et cesser de te faire une guerre de conquête à tout va. Puisqu’il le faut, il le faut. Tu es libre. En plus, ce que je veux, ce n’est pas une femme qui se laisse aimer ou qui m’aime un peu, mais une femme qui soit follement amoureuse de moi. Lorsque j’aime quelqu’un, et, crois-moi, ce que je t’ai dit est vrai, je tombe amoureux une fois tous les dix, quinze ou vingt ans, quand j’aime quelqu’un, ce n’est pas une petite passion mais quelque chose qui me dévore complètement. J’ai été amoureux de deux femmes avant toi, Nathalie, mon premier amour que j’ai poursuivi pendant près de vingt-cinq ans, et une autre fille, Hélène, que j’ai eu pas mal dans la tête, le cœur et dans la peau, et que j’ai plus ou moins poursuivie pendant des années, plus d’une décennie. En me mariant avec Jeanne, j’ai fait la connerie d’épouser une femme qui m’aimait mais dont je n’étais pas amoureux. Je me suis laisser aimer confortablement. J’aurais pu tenir le coup s’il n’y avait pas eu cette histoire avec la secte scientologie qui rendait notre mariage nul. Je crois que j’aurais tenu mes engagements si ce mariage n’avait été qu’un bluff ridicule.
A quarante-six ans, je tombe amoureux pour la troisième fois de ma vie. Cela ne s’est pas très bien passé les deux premières fois car la passion que j’éprouvais n’avait rien à voir avec le sentiment réciproque sans grande conséquence de ces deux amours. Je t’offre le mariage, je te le propose, mais il est bien clair que je t’épouse à condition, et seulement à condition, que j’aie la preuve que tu sois devenue au moins aussi passionnément amoureuse que je le suis de toi. Cela a l’air extrêmement prétentieux pour un prétendant qui ne soulève même pas un petit sentiment d’amitié dans le cœur de son élue, je te prie de m’en excuser, mais c’est bien ce que j’ai toujours dit en parlant de mariage dans mes précédentes lettres. Je suis prêt à t’épouser le jour où tu me le demanderas à genoux comme moi je te le demande à genoux. J’ai l’impression que je dois follement t’énerver. Tu n’as pas l’air d’apprécier le mariage a priori, alors, en plus, avec moi ! Je ne vois pas comment on peut aimer quelqu’un sans avoir envie de faire un couple et une famille avec lui. Mon expérience de relations plus ou moins floues, le genre ce n’est pas ma femme ni ma fiancée ni ma maîtresse, mais une sorte de petite amie, une partenaire de jeux sexuels par intérim, ce genre-là ne me branche vraiment plus. Non merci, j’ai déjà donné. Soit on s’engage à fond, on s’investit pour la vie, jusqu’à ce que la mort nous sépare, soit on reste chez soi. On ne s’offre pas un petit plaisir sexuel et sentimental comme cela, pour passer le temps.
En attendant quoi, d’ailleurs ? Que la vie se déroule, et qu’on la regarde comme les vaches qui voient passer les trains ? Que le temps, les gens et les choses fassent notre vie à notre place ?
Je sais maintenant que je n’ai pratiquement aucune chance de t’épouser un jour. Dois-je rompre toutes relations avec toi pour autant ? J’y ai pensé durant toute cette matinée (je t’écris ces lignes alors que je viens de te quitter il y a quelques heures, vers six heures du matin), j’ai réfléchi, je me suis vidé la tête, et même un peu plus ; puis je me suis dit que j’allais changer beaucoup de choses mais que je n’allais pas te laisser tomber entièrement. D’abord j’ai besoin de te voir, c’est pour toi que je me suis remis au travail, c’est aussi à cause de toi que j’ai envie de faire un tas de choses, tu m’inspires, tu me motives, tu me fais du bien. Tu me fais aussi beaucoup de mal, mais le bilan est plus que positif. Si tu ne veux plus que je te vois, je t’en laisse l’initiative. Tu es libre. Tu m’as parlé d’un client avec qui tu n’étais pas montée. Est-ce que tu étais montée avant avec lui et qu’il était tombé amoureux casse pied, et que c’était pour ça que tu ne voulais plus le voir. J’ai senti planer la menace, c’est comme tu veux, tu décides ce que tu veux. J’en souffrirais beaucoup si je ne peux plus te voir, plus te parler, plus t’écrire, plus rien. Tu m’as demandé si ce n’était pas moi. Je ne crois pas, je ne me souviens pas d’une histoire de ce genre, mais cela fait dix-neuf ans que j’ai dû monter pour la première fois avec toi, et sur une aussi grande période, il y a tellement de choses que j’ai oubliées, que j’aurais du mal à le garantir. Aurions-nous été fâchés pendant un moment ? Où aurais-tu refusé de monter avec moi au tout début ? Je ne me souviens que d’une seule fille qui a refusé plusieurs fois de monter avec moi, je n’ai jamais su pourquoi. Je suis monté plusieurs fois avec elle depuis, et je ne lui ai jamais posé la question. Il faudra que je le fasse un jour car elle travaille toujours là, rue du Ponceau, vers Réaumur, elle se fait appeler Anita. Elle fait des horaires de bureau, 9 h - 18 h, et travaille aussi le week-end. C’est une jolie fille. Maintenant que tu m’as fait comprendre de ne pas m’accrocher, je retournerai la voir de temps à autre. Ce dont je me souviens de toi, c’est que tu es restée longtemps trop fière pour adresser la première un bonjour même à un client que tu connaissais bien. Je pouvais passer à côté de toi, tu ne me faisais pas le moindre signe, il fallait que je vienne vers toi en premier. C’est seulement au bout d’au moins dix ans que tu n’as plus fait semblant de m’ignorer, et qu’en me voyant, tu t’es mise à me dire « Alors tu viens ? », avec une petite voix charmante, d’ailleurs ! Et, bien sûr, je venais. Avant, je t’admirais et je t’en voulais à la fois, d’être si fière. Je crois que c’est simplement le côté pognon qui a dû te faire changer d’avis, quand tu as vu que tu pouvais emmener un client tout de suite au lieu d’attendre qu’il tourne en rond plusieurs dizaines de minutes avant de venir vers toi, tu es allée le chercher, tu l’as aidé un peu à venir plutôt que de rester à poireauter en bas. C’est ce que font presque toutes les filles, mais toi, tu ne le faisais pas au début. Il y avait une autre fille qui faisait aussi la fière comme toi. Une fille très mignonne avec des cheveux châtain brun, elle se faisait appeler Christine. Elle travaillait rue Blondel, au dernier hôtel à droite en allant vers le boulevard. Tu as travaillé à cet endroit plusieurs fois.
J’ai toujours été loyal envers toi, il n’y a pas de raison que cela change. Mais question fidélité, ne serait-ce que pour que tu sois libre, et parce que je dois faire ma vie ailleurs puisque tu le veux ainsi, j’irai voir d’autres filles, des professionnelles et des amatrices ! Par contre, j’aimerais pouvoir continuer de monter avec toi de temps en temps, pouvoir continuer de t’écrire. Excuse-moi de t’avoir fait la gueule parce que tu avais oublié ma deuxième lettre. Je voulais tellement qu’on avance en discussion, qu’on avance à se connaître, je l’ai mal pris, je suis désolé. J’ai peur que tu ne me lises même plus, que je t’écrive pour rien. Je ne suis pas voyant, je pense seulement à différentes choses te concernant, à différentes possibilités, et je me goure complètement parce que je ne connais rien de toi, ou presque rien. Quand tu aimes quelqu’un, tu sais, tu as envie de tout savoir sur la personne. Et moi, je ne sais presque rien sur toi, sauf que je t’aime et que tu ne m’aimes pas, que tu m’intéresses et que je ne t’intéresse pas, que tu me motives et que je ne te motive pas, que tu m’émeus et que je ne t’émeus pas, que tu m’attires et que je ne t’attire pas. Il n’y a rien de plus triste qu’un amour non partagé ! Pour comble de cafard, devine la chanson qui passait sur mon poste radio de voiture juste en partant de Saint-Denis ? « Mais tu n’es pas là » de Richard Cocciante. Je me la suis tapée jusqu’à la sortie de Paris. « Mais tu n’es pas là... Mais tu n’es pas là... »
J’aurais mieux fait de me casser une jambe que de venir te voir à ce moment-là. Je me doutais que cela pouvait être un mauvais plan. J’aurais dû attendre demain où tu es moins submergée. Quel con j’ai été ! Mais quel con ! J’avais tellement besoin de te voir, de t’entendre, tu me manquais tellement, et je commence mon nouveau boulot lundi matin, il ne faut pas que je me couche trop tard pour une première journée, il ne faut pas que j’aie l’air crevé. Et si ce boulot ne marchait pas, qu’est-ce que je viendrais te dire ? Je ne viendrais même rien te dire, je n’aurais rien à t’offrir pour faire accepter ma présence. Quand tu gagnes plus de douze mille francs, cinq cents francs, ce n’est pas un problème ; quand tu es sans droit pour cause de plusieurs mois d’arrêt maladie, cela en devient un. Comme tu le dis, tant que je te donnerai de l’argent, je pourrais te voir ; pas d’argent, pas de Lætitia, pas de Patricia. Money is money, and time is money. J’achète des minutes de ta vie, des minutes qui m’aident à vivre la mienne. J’ai acheté des minutes de rêve. Qu’est-ce qui t’a pris aujourd’hui ? Pourquoi étais-tu tellement différente des deux fois précédentes ? Parce que tu voulais que cela cesse ? J’ai été tellement heureux avec toi ces deux autres fois. Tu te souviens quand tu m’as montré les photos de ta fille ? Toi aussi tu étais tellement heureuse. J’ai été fou de bonheur avec toi. Pourquoi t’es-tu jetée sur mon sexe alors que tu savais que je n’avais pas envie de faire l’amour en ce moment ? Il faut faire l’amour, il faut être normal, il faut éviter de se parler, de s’attacher. Bien, bien, je tacherai de faire l’amour la prochaine fois. Ça prend du temps et cela ne m’apporte rien, rien de ce dont j’ai follement envie, mais je vais me concentrer sur la chose, je vais prendre des vitamines, des aphrodisiaques, et puis je vais faire entrer mon sexe dans le vagin huilé de celle que j’aime. Parce que celle que j’aime vient de se faire tringler déjà x fois avant moi, parce que son vagin est fatigué, qu’il faut qu’elle le protège avec de la pommade, parce qu’elle a si peu de désir pour moi qu’il n’y a pas une goutte de sécrétion vaginale, parce que sa flore vaginale est abîmée, absente ; parce que celle que j’aime devrait laisser reposer son vagin plusieurs mois avant de pouvoir refaire l’amour normalement avec un homme et y trouver du plaisir ; parce que j’ai envie de caresser son sexe doucement dessus, et de lui dire « Repose-toi, mon petit, tout ira bientôt mieux. Dors. Je t’aime. » ; parce que si le superbe visage de celle que j’aime se ride doucement en vieillissant, son corps est encore plus magnifique que dans sa jeunesse, plus épanoui, un corps de mère, avec une taille presque aussi fine qu’autrefois mais une chute de rein devenue bouleversante, et une chair encore plus douce, plus sensuelle, plus molle, plus large, moins serrée, plus généreuse. Oui, j’arriverais à bander, à te faire l’amour. Comme cela on se dira pas plus de trois mots, la bise et salut à la prochaine. Et puis si je n’arrive pas à bander assez, je te donnerai plus d’argent pour que tu me fouettes, tu sais que cela m’excite et me fait bander à fond, comme cela je pourrai jouir dans les normes. Quand tu prends un petit air méchant avec une cravache à la main, tu sais que je te trouve irrésistible. J’aimerais bien te rendre la pareille, mais cela est un autre problème !
Pendant que j’y suis, quand tu me racontes que tu n’as aucune attirance personnelle pour le sado-masochisme, sous-entendu que tu ne fais cela que pour l’argent, je suis désolé mais je n’en crois pas un mot. Tu peux te mentir à toi-même là-dessus mais pas à moi ! Si tu n’avais pas d’attirance pour les jeux érotiques pigmentés de violence, je m’en serais aperçu depuis le temps que je te connais. Moi, je vois ton visage, et tes yeux, et les expressions de ton corps lorsqu’on joue à ça ensemble. Tu t’y ennuies encore moins que moi si c’était possible, et c’est une parmi les innombrables raisons pour lesquelles je t’aime. Parce que tu es capable d’y jouer en y prenant goût, et quel goût ! Que tu n’es pas complètement refoulée comme la plupart des putes, que cela se voit comme le nez au milieu de la figure que tu aimes ça, et profondément, que cela n’a rien à voir avec le cinéma qu’une pute fait pour satisfaire et accrocher le client (Pourquoi alors ne fais-tu pas de cinéma avec plein de râles quand tu fais l’amour pour accrocher le client ? Il y en a plein d’autres putes qui le font), que tu aimes ça avec le cinéma qui va avec, d’ailleurs ce jeu est d’abord du cinéma. Que tu aies peur de t’y lancer, ça, je comprends. Mais que tu n’aimes pas ça, que ce n’est pas ton fantasme, alors là tu refoules beaucoup. Dans ma première lettre je t’ai parlé de ta réaction physique incontrôlée la première fois que j’en ai parlé avec toi, que je t’ai parlé de te fouetter, tes seins ont gonflé d’un coup de dix centimètres, tu t’es mise à bander des seins comme je ne t’ai jamais jamais vu le faire. Personnellement, j’ai décidé d’assumer mes fantasmes, de les réaliser dans la mesure où j’étais sûr de le faire sans danger pour moi ni pour autrui. Je savais que je pouvais te faire confiance, alors j’en ai réalisé pas mal avec toi. Et tu es la plus bandante des filles que j’ai rencontrées sur ce sujet. Mais ce n’est pas uniquement pour ça que je suis tombé récemment amoureux de toi, sinon je t’aurais dit que je t’aimais depuis longtemps. Il y a d’autres trucs, ta classe, ta beauté, ton intelligence, ton charme et ton épanouissement de mère qui m’a fait craquer complètement. Tu sais, moi aussi j’ai peur de mes goûts pour la violence sexuelle. Et toi, en tant que professionnelle de la chose, tu me faisais peur. Et puis j’ai réalisé que j’étais con d’avoir peur de toi, que tu étais mignonne, gentille, que tu n’étais pas une sadique dans le sens mauvais du terme, mais que tu ne crachais pas non plus sur un petit excitant sexuel. Les putes finissent presque toujours en puritaines. J’espère que tu éviteras cet écueil. A force de commercer la chair, on finit par la prendre en horreur. Mais ce n’est pas la chair avec ses désirs, ses pulsions, ses excitations, ce n’est pas la chair qui est mauvaise, c’est la prostitution, le commerce de soi-même, la trahison générale de l’autre sexe au profit de sa seule petite gueule, de son petit confort perso, de son portefeuille, de son capital. C’est ça qui est moche, pas les coups de fouet qui sont plutôt rigolos et excitants dans un cadre sensuel. Mais la trahison de l’autre, le don minuté de son corps, de sa présence, ça c’est moche. Alors il ne faut pas confondre, ne pas faire l’amalgame ou l’inversion, ou les trois à la fois. Si j’épouse une ancienne pute, tant qu’à faire que je puisse en profiter, que je n’en sois pas réduit à aller trouver d’autres putes en activité pour satisfaire mes sens. Prends le côté positif de la prostitution, vire le reste. Tu as gagné dix siècles d’évolution de la culture sexuelle, alors profites-en et fais-en profiter l’homme que tu choisiras. Je me souviens de ma pauvre arriérée de mère qui pleurait parce que mon père voulait qu’elle lui taille des pipes. Elle me disait qu’elle n’était pas une pute, qu’elle ne ferait jamais ça. Mon père était obligé d’aller voir des putes. Aujourd’hui toutes les nanas le font. En France, tu pourrais même demander le divorce si ta femme refuses. C’est passé dans la culture sexuelle. Dieu seul sait ce que nos enfants feront dans leur chambre d’amour, sûrement de quoi nous faire peur aujourd’hui. Je ne me considère pas comme un malade parce que j’aime recevoir des coups de cravache sur la bite. C’est très excitant. Les nanas que j’ai attachées et à qui j’ai fouetté le sexe, cela avait l’air de les exciter aussi beaucoup, je ne les ai pas méprisées pour autant. Au contraire, j’avais du respect et encore plus d’amitié sexuelle pour elles, et j’étais content qu’elles m’aient choisi moi plutôt qu’un autre pour faire ce genre de truc, cela prouvait qu’elles pensaient qu’elles pouvaient me faire confiance, à la fois pour les satisfaire et pour ne pas en profiter pour aller trop loin. J’en ai peut-être déçu une ou deux en allant pas assez au-devant de leurs désirs. Elles n’avaient qu’à me le dire ou me le faire comprendre ou s’arranger pour me revoir plus souvent.
Si je ne pensais pas que je prendrais du plaisir à faire les courses ensemble, à balader la gosse ensemble, à manger ensemble, à parler ensemble, à regarder la télé ensemble, à dormir ensemble (gros dodo, pas câlin), à danser le slow ensemble, à poireauter ensemble au guichet de je ne sais trop quoi, à vivre ensemble, je ne te proposerais pas le mariage. Le sport en chambre, cela ne prend qu’une toute petite partie de la vie. Si tu dois payer ça en te demandant qu’est-ce que tu fous avec cette personne le reste du temps, très peu pour moi. Je me suis débrouillé avec les putes jusqu’à maintenant, je peux très bien continuer. Anita, la pute dont je t’ai parlé, c’est une très bonne affaire côté sado-maso, la classe ! Grande et belle avec ça ! Des seins refaits et gonflés à neuf ! Seulement, elle ne me fait pas craquer comme toi quand tu me parles de Julia, comme toi quand tu souris, comme toi quand tu es heureuse et que tu ris, comme toi quand je parle avec toi, comme toi quand je regarde le fond de tes yeux bleus dans la lumière et d’une couleur que je n’ai toujours pas réussi à déterminer quand ils sont dans l’ombre, comme toi quand je vois tout ton corps et que je me dis « Quelle merveille de douceur et de beauté ! », comme toi quand je te supplie de me donner la photo de toi et Julia, comme toi quand j’embrasse doucement tes seins, tes mains, comme toi quand j’ai envie de marcher dans la rue avec toi. Mais ne viens pas me faire le coup comme quoi tu n’as jamais fantasmé d’être fouettée parce que toutes les femmes fantasment là-dessus, et toi, je te le garantis sur facture, au moins dix fois plus qu’une autre ! Ou alors c’est que tu refoules hyper grave, parce que pour avoir tes seins qui fassent un bon pareil rien qu’à l’idée d’être éventuellement fouettée, c’est plus que du refoulement. Quand on met comme toi autant de cœur à fouetter un mec, c’est qu’on aime ça pour soi aussi. On n’est pas que sado ou que maso. On est un peu des deux. Dans chaque maîtresse, il y a une esclave qui soupire ; et plus la maîtresse transpire, et plus l’esclave soumise qui est en elle en veut. Tu peux te la jouer comme tu veux, mais moi je t’ai vue transpirer avec la cravache, Patricia. A chaque fois que tu m’as donné le fouet, moi, de l’extérieur, je les ai vus mieux que toi tes fantasmes. J’ai connu et ressenti tes troubles, tes émotions, tes hésitations, tes contradictions, tes peurs, tes angoisses, tes énervements, tes fluctuations, tes crises, tes délires. Et là tu viens de me jeter en belle crise. C’est moi que tu jettes, Patricia, ou c’est quelque chose en toi que tu rejettes ? Réfléchis-y, parce que je t’aime d’une manière extraordinaire, comme je n’ai jamais aimé une femme, et que je refuse de me faire jeter pour ce genre de connerie. Avec le boulot que tu fais, pour ne pas fantasmer sur le fait de te faire fouetter, il faudrait que tu refoules à mort, c’est-à-dire qu’inconsciemment tu ne penses tout le temps qu’à ça. Je refuse de me faire jeter avec tes fantasmes refoulés. Tu me gardes moi, et tu regardes tes fantasmes en face, on se démerdera avec tout ça. Y’a rien de grave. Je t’aime, Patricia. Tout se passera très bien. Tu ne feras jamais que ce que tu auras décidé, mais au moins tu sauras ce qui se passe. Les relations entre hommes et femmes sont l’objet d’étude principal de ma vie. Pour peu que j’aie appris quelque chose, je prétends en savoir beaucoup plus que d’autres. Lis le Kama-sutra et les différents passages sur l’utilisation de la violence pour faire monter le désir sexuel, les différentes parties du corps à battre, à frapper, à exciter, les différentes positions pour battre son amant ou son amante. Sors du strict cadre de notre civilisation européenne qui pratiquait encore les sacrifices humains barbares des tribus gauloises, franques, wisigothes, ostrogothes, et autres tribus quasi sauvages, il y a moins de vingt siècles, et vois la culture sexuelle de civilisations bien plus anciennes. Au Japon, il existent des écoles où les femmes apprennent à fouetter au mieux leur mari. L’Asie a beaucoup plus de siècles de civilisation que nous. La culture sexuelle évolue très lentement, sauf de nos jours où les media et la mondialisation font un accélérateur temporel formidable. Vous les prostituées, vous vous faites un tel fric avec les fantasmes interdits que vous avez tout intérêt à maintenir ces interdits. Mais moi, je m’en fous, je ne suis pas une pute. Je n’ai pas d’intérêt proche ou lointain dans l’affaire, je ne dois pas mon confort et un tas de pognon, je ne suis pas lié financièrement à une culture ou à une idéologie sexuelle. Seul. Je m’emmerde. Je m’ennuie. J’ai envie de dormir et de me réveiller dans dix siècles pour voir si ça a changé le monde autour de moi. Mais je suis libre, pas refoulé, le moins possible en tous cas. Je ne suis pas inconscient non plus. Je ne suis pas un tordu, un malade ou un criminel. Je suis de bonne volonté, intelligent, conscient et libre. Je t’aime, je t’aime, je t’aime. Je ne veux pas te perdre pour des raisons de culture sexuelle. Pour quelque chose qui va concerner quinze à trente minutes de la vie mensuelle d’un couple, soit entre 1/2880 et 1/1440 de son emploi du temps. Il y a quand même beaucoup d’autres choses à vivre ensemble. J’en ai rien à foutre de te fouetter, je m’en fous ou presque. Je peux te garantir que je ne te fouetterai jamais à moins que tu me dises que tu avais complètement tort et que tu me supplies à genoux. Ça te laisse de la marge, fière comme tu es, tu vois ! Mais je ne veux pas que tu t’éloignes, que tu me repousses, que tu me jettes comme le bébé avec l’eau du bain ou comme un malpropre à cause de tes pulsions parfaitement légitimes et naturelles de femme sensuelle en bonne santé, qui refoule complètement à cause de son milieu culturel sexuel, à cause de ce qu’en pensent ses copines et autres primitifs sexuels du coin qui vivent tous et toutes de la misère sexuelle générale. Je t’aime, c’est ce qui m’a réveillé. Si tu veux, je me recouche. Bonne nuit, Patricia. Bisous. Dodo. Rrrrrr... Rrrrrr... Rrrrrr...
Il s’est passé quelque chose, Patricia. On s’est vu trois fois à une semaine d’intervalle, pratiquement dans les mêmes conditions. La première et la deuxième fois, surtout la deuxième, on était aux anges d’être ensemble tous les deux. Et la troisième, patatras ! D’accord, tu avais oublié ma lettre, cela t’a énervé, moi aussi (et le mini-disque avec, en plus !). Mais il y a autre chose. Les deux premières fois, tu savais que je te voulais, que je voulais vivre avec toi. Pourquoi à la troisième, on arrête tout. Faut faire l’amour : le règlement, c’est le règlement ! Allez en piste, soldat, fais tes pompes sur la madame pour montrer qu’t’es un homme. Fini le rêve, fini la merveilleuse, fini l’angélique Patricia, fini le petit garçon et la petite fille qui se découvrent l’un l’autre, qui s’émerveillent l’un de l’autre. Au boulot, on n’a pas que ça à faire ! Ton corps, je le veux entièrement, il est tellement beau. Je veux te prendre entièrement. Je veux sentir dans mon ventre et dans mes reins toute la richesse de ta douceur, de ta féminité. Je veux sentir ton électricité, ton aura impalpable inonder mes cuisses, mon sexe et mon ventre. Toute la douceur et l’onctuosité de tes seins, je veux la sentir dans mon ventre et dans tout mon corps. Je veux faire l’amour avec toi, Patricia. Je veux le faire complètement. Ton corps léger, je veux qu’il flotte sur et sous moi, qu’il se donne, qu’il s’abandonne à moi avec délice et générosité. Je t’aime, je t’aime, je t’aime. (J’ai des expressions routinières. Toujours trois fois « je t’aime », comme ça. J’aime bien. Cela me permet de me calmer un peu et ça laisse le temps de te faire passer ce que j’ai envie de te dire, et surtout de te faire comprendre que tout ce que je venais de t’écrire ce n’est qu’une autre forme, une variante, une déclinaison du verbe aimer. Je pourrais te mettre je t’aime tout le temps pendant des pages, ça serait presque pareil.)
Quand je pense que tu vas peut-être me jeter, me dire que tu ne veux plus monter avec moi ou ne plus lire mes lettres. Si tu ne me lis plus, je ne pourrais plus communiquer avec toi. Ce n’est pas possible, je n’y arriverais pas en quelques minutes sur un lit. Il y a tellement de choses à te dire, tellement de rêves à te raconter, tellement de barrières à franchir. Si j’arrive à trouver les bonnes idées avec les mots qu’il faut, et si tu veux bien me lire, on y arrivera, on s’en sortira, un jour on vivra ensemble. Si, si, cela fait beaucoup de si. Et si tu m’aides, si tu m’aides un peu, on ira encore plus loin, aussi loin qu’un homme et une femme puissent aller ensemble. Tu t’en fous ? Non, tu ne t’en fous pas. Je le sais, mon amour ? Pas toi, pas Patricia. Tu m’as déjà donné une petite aide, ton vrai prénom, Patricia. Je t’en remercie, mon ange adoré. J’aimais bien Lætitia mais, maintenant, je peux te parler avec ton vrai prénom. Patricia, c’est tellement plus beau ! Aide-moi encore, mon amour. Donne-moi des choses de toi.
Donne-moi cette photo que j’arrive à tenir quand je suis loin de toi. Donne-moi encore des petits bouts
de toi. Un petit bout par-ci, un autre par-là. Bout après bout, j’y arriverai
si tu m’aides un peu. Je nettoierai tous les chemins devant nous, toutes les
allées, et nous pourrons marcher tranquillement ensemble partout, la main dans la main.
Mardi 28/04.
Je n’ai pas pu t’écrire hier car ma première journée de travail était bien remplie, et qu’en plus des courses, je suis aller chez le médecin où j’ai attendu longtemps. J’y suis allé pour pouvoir te faire l’amour, puisqu’il le faut absolument. Je ne bande plus à la moindre excitation comme lorsque j’étais plus jeune, j’ai besoin qu’on m’aime et qu’on me le fasse sentir. Depuis quelque temps, je n’arrive presque plus à baiser avec des putes. J’ai de plus en plus de ressentiment envers elles, et puis la forme qui baisse avec l’âge, etc. trop de drogues aussi, et surtout les trois ans de taule qui m’ont beaucoup amoché. Avec toi, c’est l’amour fou qui annihile mon sexe. Remarque que si on faisait l’amour normalement et qu’on s’embrassait d’abord, et qu’il n’y ait pas toute cette distance entre la prostituée et son client, je n’ai aucun doute sur la capacité de mon désir à te posséder. Mais j’ai du mal à supporter de te prendre comme ça. J’ai eu le malheur de t’avouer que j’étais amoureux de toi, que je t’aimais, maintenant ce n’est plus comme avant. Je ne crois pas que je me sentirais à l’aise non plus de me faire fouetter par toi en ce moment, comme tu me l’as si gentiment proposé la semaine d’avant. Il y a comme un malaise. Surtout après ce que tu m’as dit la dernière fois. Tu remets tout sur la faute des mecs, à t’entendre. Tu serais la pureté et la vertu même ! Tu passais par là par hasard (forcément !), tu as vu qu’il y avait du blé à ramasser, et tu t’es dit, après tout, pourquoi pas ? Les femmes ont une sexualité comme les hommes, elles se masturbent comme les hommes, elles fantasment comme les hommes, et souvent pire ! Je ne te parle pas du discours des putains devenues obligatoirement puritaines. Quand on fait ce crime impardonnable contre l’amour qu’est la prostitution, on a besoin de se dire que les hommes sont des porcs et de prendre en aversion tout ce qui se rapporte au sexe. C’est toujours les autres qui... La paille dans l’œil du voisin... Etc.
Je t’aime, je t’aime, je t’aime, Patricia, mon amour adoré. Même si tu n’as aucun fantasme, je t’aime D’accord ? Si tu veux, tu es la vertu, la pureté même. No problémo ! C’est rien que moi qui suis un sale sado-maso. Tu n’y es absolument pour rien, je te l’accorde, je te le concède, je le reconnais. Ni ton petit sourire ni la petite flamme dans tes yeux quand tu prends la cravache, non, non, non, trois fois non, c’est uniquement le mec qui... et jamais la fille qui l’invite qui... Tu vois ce que je veux dire ? C’est ok ! On se la joue entièrement comme ça. Il y en a qui imaginerait que la violence sexuelle, Patricia, au fond de toi, tu adores ça, mais c’est entièrement faux, nous sommes bien d’accord. D’ailleurs les putes sont toutes frigides, comment pourraient-elles fantasmer ? Ou alors il y a longtemps, avant, quoi... Il y en a qui imagineraient qu’à l’époque où tu traversais presque toute la grande chambre pour prendre le maximum d’élan pour me fouetter de toutes tes forces, et que tu étais trempée de sueur, tu n’étais peut-être pas obligée d’en faire autant. Certains penseraient et qui plus est tout ce cinéma te procurait infiniment plus de plaisir qu’à moi, et que c’était pour te voir prendre autant de plaisir que je te donnais autant d’argent. Non, non, bien sûr, Mademoiselle Patricia qui se tord dans tous les sens quand elle en a la place, lorsque la chambre où elle donne le fouet est assez grande, cette Demoiselle Patricia-là n’a évidemment aucun fantasme sado ni maso. Il faut bien qu’elle gagne sa vie, la petite. C’est tout juste si cet ange a un sexe et une tête avec laquelle fantasmer. Non, rien qu’une paire d’ailes et une auréole. Amen !
Avec ou sans fantasme, je t’aime, Patricia. Je t’aime absolument. Je t’aime puritaine, si tu veux (il n’y a rien que je déteste plus que les puritains, c’est l’horreur suprême ; mais pour toi, je ferais une exception). Mais toutes ces histoires de sexe et de cul, je n’en ai plus rien à foutre. J’ai compris bien tard que j’étais amoureux de toi depuis longtemps. Maintenant, j’en crève, j’en crève de t’aimer. Je t’aime à un point que tu ne peux imaginer. Je t’aime à ne plus pouvoir te toucher. Pour ce qui est des rapports sexuels, on ne fera que ce que tu voudras, et rien d’autre, ok ? « Je n’aurai plus qu’un seul besoin, / Dormir près d’elle jusqu’au matin, / En serrant fort sa main dans ma main, / Si je l’aime. » Excuse-moi de me citer moi-même, c’est dans une de mes premières chansons, mais c’est ce que je ressens pour toi actuellement. Je voudrais dormir avec toi, pas pour te baiser, mais pour pouvoir serrer très fort ta main dans la mienne jusqu’au matin. Pour moi, tu n’es pas la poupée de mes fantasmes, si ce n’était que ça ! Quoique cela vaudrait peut-être mieux, parce que les sentiments que j’éprouve pour toi me mettent dans un tel état ! Les fantasmes n’ont rien à voir dans mon amour, et je trouve dégueulasse que tu viennes me les jeter en pleine figure, comme si je ne t’aimais que pour cela. Tu crois que c’est parce que j’ai envie de te fouetter ? J’en ai rien à foutre, mais je suis prêt à le faire si je peux t’avoir à cause de cela. Je suis prêt à tout, à tous les fantasmes que tu peux avoir, et aussi à une absence totale de fantasme. Ce que je veux, c’est toi, et que plus personne d’autre ne te touche. Je n’arrive pas à croire que tu puisses être avec un mec qui te laisse faire la pute. Jamais je ne permettrais que la femme que j’aime puisse être touchée par quelqu’un d’autre que moi. C’est pourquoi je crois que tu vis seule avec ta fille actuellement. C’est aussi pourquoi j’ai cru que tu étais avec un proxénète avant que Julia arrive. Tu m’as dit que non, mais je ne connais pas grand-chose de ta vie. C’est vrai qu’il y a maintenant de plus en plus de filles qui font la pute toutes seules, pour leur compte, mais je ne comprends pas pourquoi tu as eu besoin d’autant d’argent. Est-ce que tu es accro au fric ? Pour quoi faire ? Tu dépenses tellement ? Tu voulais avoir un petit commerce à ton compte et tu y as englouti tout ton pognon d’après ce que j’ai compris. Tu n’es pas la seule, j’ai fais deux fois ce genre de chute. La deuxième, j’ai essayé de rattraper le coup en trafiquant de la came, mais cela s’est terminé par trois ans de taule. Deux ans, puis encore neuf mois. Je laisse béton ces affaires aujourd’hui. J’ai envie d’être heureux avec toi. Je crois que c’est possible si on y met un peu du sien tous les deux.
Donc, disais-je, question rapports sexuels j’essaierai de faire ce que je pourrai car tu me mets dans tous mes états, je n’y peux rien. Je n’y peux rien si je n’arrive plus à bander avec toi depuis que je sais à quel point je t’aime. Ça reviendra, c’est rien de grave, c’est juste une sorte d’extase que je n’ai jamais connue avant. C’est pas parce que je ne te désire pas, c’est parce que je te désire trop. Je ne sais pas comment te dire. Pourtant j’ai déjà fait l’amour avec toi, mais, à l’époque, je ne ressentais pas ce que je ressens consciemment pour toi aujourd’hui. Je suis devenu raide dingue de toi (avec la bite un peu molle, c’est tout !), et je le sais, en plus. Avant je te trouvais trop dangereuse pour me laisser aller à ce genre de sentiment. Maintenant, j’ai craqué, et plus rien n’endigue cette vague immense de sentiments que j’ai pour toi et qui m’engloutit totalement. Je t’aime, je t’aime, je t’aime, je ne peux plus me passer de toi. J’ai besoin de te voir, de t’entendre, de te sentir à côté de moi, de me remplir de ta présence, tu me manques déjà même quand je suis avec toi, et ça me rend nerveux ; j’ai une faim de toi incroyable, je t’aime à mourir, à être paralysé, à éclater de rire ou à fondre en larmes, je ne sais pas, je ne sais plus, je n’y comprends rien, je suis spectateur d’un truc qui me tombe sur la tête, et je ne peux rien faire d’autre que de le regarder passer, j’ai jamais vu ça de ma vie. J’t’aim’, j’taim’, j’taim’.
Je t’aime tellement que je ne sais plus si je suis fou de bonheur ou de désespoir. Je suis dans le plus grand malheur depuis dimanche dernier. J’ai envie de mourir. Dimanche dernier, c’est comme si le ciel m’était tombé sur la tête quand tu m’as parlé comme tu l’as fait, avec cette dureté, avec cette absence de sentiment. Tue-moi, s’il te plaît, achève-moi. Tu ne peux pas me laisser vivre comme ces milliers de condamnés à mort dans les prisons américaines, qui attendent dix, quinze ou vingt ans qu’on les exécute. Qu’est-ce que je suis mal tombé ! Qu’est-ce que je suis mal arrivé ! Tu étais encore toute nue de ton dernier client. Tu n’avais même pas eu le temps d’enfiler un vêtement. Je ne sais pas ce que tu venais de faire avec lui ou avec les clients précédents, mais tu étais énervée. Il y avait de l’électricité dans l’air. Tu as dit « Ah ! c’est toi. », en me voyant dans le couloir. Je suis entré un peu mal à l’aise. Je t’ai fait la bise maladroitement en arrivant, tu étais nue. C’était gênant. J’aurais voulu retrouver dans cette bise celle de nos adieux de la fois précédente, mais tout allait bizarrement. J’avais l’impression que je t’empêchais de partir alors que tu avais décidé d’arrêter après le client qui venait de s’en aller. Tu me prenais parce qu’il le fallait, en professionnelle un peu surchargée. Et puis tout s’est mal passé. J’ai vu que tu étais pressée de ranger tes affaires et de partir. Mais tout ce que tu m’as dit... Tu n’as vraiment aucun sentiment pour moi ? Tout l’amour que j’ai pour toi, tu t’en moques vraiment ? Tu préfèrerais que je ne vienne plus te voir ? que je ne t’écrive plus ? Je ne peux vraiment pas me passer de t’écrire, tu sais. J’arrive à tenir grâce à ça. Parce que je peux te parler devant mon écran d’ordinateur. Sinon je crois que je deviendrais fou à penser tout le temps à toi comme je le fais. J’ai déjà saoulé mes amis avec Patricia. J’espère que cela te touche un peu quand même. J’ai peur de t’ennuyer, d’être collant, de t’emmerder, alors que je voudrais t’apporter un bol d’air frais, un peu de tendresse dans ce monde de brutes, un léger sourire, et, peut-être un jour, un soupçon de tendresse.
Je connais si peu de choses sur toi. Moi qui m’intéresse assez à l’astrologie, je ne sais même pas de quel signe tu es. J’aimerais bien pouvoir faire ton thème astral. Il me faudrait ta date, ton heure et ton lieu de naissance. Est-ce que tu connais ton heure de naissance ? C’est indispensable pour calculer l’ascendant qui change toutes les deux heures. J’aimerais bien aussi voir la position de tes planètes de naissance, pour apprendre quelque chose sur tes tendances, tes inclinations profondes, du point de vue astrologique. Moi, je suis Lion ascendant Balance, année Dragon dans l’astrologie asiatique. J’ai tout pour faire un parfait dictateur, thème genre Napoléon, Hitler ou autre tyran. Il me manque juste un peuple à tyranniser. Cela viendra peut-être, on ne sait jamais ce que l’avenir nous réserve ! Rassure-toi, il paraît que dans l’intimité, les dictateurs sont d’assez bons époux et bons pères de famille. Je ne te tyranniserai jamais. Je t’aime trop pour t’empêcher d’être libre. Je t’aime trop, et j’ai aussi trop de fierté et trop d’orgueil (c’est le Lion qui parle), pour désirer autre chose qu’un amour total et librement déterminé de ta part. Si tu ne sais pas ton heure de naissance, tu écris à ta mairie de naissance pour leur demander un bulletin de naissance en précisant « avec l’heure de naissance ». Si tu es née à l’étranger, il faut écrire à Nantes, en demandant aussi l’heure de naissance.
Je sais si peu de choses sur toi que j’en arrive à t’écrire des conneries pas croyables, je te prie de m’en excuser. Lorsque je t’écris que je ne demande qu’à reconnaître ta fille, alors qu’elle a déjà un père qui l’a reconnue, je commets une gaffe pas possible ! Et ce n’est pas la seule ! Si tu le veux bien, j’aimerais t’inviter (c’est donc moi qui paye !) au restaurant si tes tarifs restent raisonnables. Cela nous permettra d’avoir un peu plus de temps pour faire connaissance. Que penses-tu d’aller au Pub Saint-germain quand tu termines dans la nuit de dimanche à lundi ? Maintenant que je travaille, j’ai un peu d’argent, et j’ai touché 1 100 F dernièrement, je ne sais pas pourquoi. Je suppose que c’est un rattrapage d’allocations. Tu me dis combien il te faut pour passer un moment avec moi au resto, et tu m’appelles dans la nuit de dimanche à lundi à l’heure que tu veux, sachant qu’il me faut trente minutes pour venir te rejoindre, et je passe te prendre rue Blondel. Est-ce que tu pourrais te contenter de 1 000 F parce que je ne suis pas très riche en ce moment, je viens juste de reprendre le boulot ? Je ne suis jamais sorti en payant une fille comme ça, je ne connais pas les tarifs. Je suppose que 1 000 F, ce n’est pas beaucoup, non ? Mais, d’un autre côté, c’est à l’heure qui te convient dans la nuit, une fois qu’il n’y a plus un chat dans les rues à Strasbourg-saint-Denis. Donc tu ne perds pas un seul client, et puis tu pars quand tu veux. Tu peux juste avaler une salade et partir, c’est comme tu veux. Tu peux même me suivre avec ta voiture pour la garer à côté. Sinon je te raccompagnerai à ta voiture, ou, si tu veux être libérée plus vite, je te payerai le taxi jusqu’à ta voiture. C’est juste au métro Odéon. A côté du Pub Saint-germain, il y a le Relais Odéon qui reste aussi ouvert toute la nuit, ou presque. En tous cas le pub est ouvert 24 h sur 24, 7 jours sur 7. J’aime beaucoup cet endroit et j’aimerais bien y aller avec toi. Si on a beaucoup beaucoup de chances, mais il ne faut pas trop y compter car il n’y a que quelques places, on peut espérer avoir une de ces tables pour deux qui font genre wagon-restaurant. Je les trouve très romantiques. Ces tables pour deux sont parfaites pour un tête-à-tête avec la femme de son cœur (et pour l’homme de son cœur aussi, mais la décision de ce cœur-là ne m’appartient pas !). Je t’aime, je t’aime, je t’aime. Alors, si tu es d’accord, tu me téléphones assez vite pour que je me prépare, et que je réserve la fin de la nuit de dimanche prochain. Je ne connais pas encore mes horaires pour Tours, il vaut donc mieux se téléphoner quelques jours avant pour être sûrs qu’il n’y a pas de problème. Si, par exemple, je dois commencer à six heures du matin à Tours, et qu’il me faille 4 heures de route (donc obligation de partir au plus tard à 2 h du matin de Paris), il faudra reporter à la semaine suivante où je commencerai l’après-midi. Ce serait bien de se voir au restaurant, étant donné que je suis très perturbé côté sport en chambre ces temps-ci. Et puis j’aimerais bien te regarder manger, et boire du vin, en boire avec toi, et d’autres choses, si tu veux, comme te glisser beaucoup de petits mots doux à l’oreille. En te regardant manger, je pourrai voir tes lèvres, tes yeux, ton petit nez, tes joues, tes mains (que j’essaierai de prendre et d’embrasser en douce) ; je pourrai te dire un tas de choses, t’écouter, entendre la musique de ta voix, et étudier les fluctuations du bleu de tes yeux au gré de l’angle d’éclairage (ça c’est très important !). J’aimerais bien revoir les photos de ta fille, et que tu amènes d’autres photos de toi et de Julia, surtout de toi. J’aimerais bien voir tout un tas de photos de toi, tout ce que tu pourras trouver. Est-ce que tu as une photo de toi quand tu étais bébé ? Et d’autres photos de toi en petite fille, jeune fille, adolescente, jeune femme et femme, en vacances ou à Paris, chez toi ou chez des amis, etc. (Est-ce que tu n’as pas fait quelques photos, il y a déjà pas mal d’années, pour des vêtements, des maillots de bain ? Il m’a semblé te reconnaître un jour sur une photo de mode. C’était il y a au moins dix ans.) Tu me ferais vraiment un très grand plaisir si tu pouvais rechercher des photos de toi pour me les montrer. Voilà mon dernier fantasme : souper avec toi au Pub Saint-germain en regardant des photos de toi. Décidément, je ne te laisserai jamais tranquille avec mes fantasmes emmerdants !
Jt’aim’, j’t’aim’, j’t’aim’ (il faut prononcer les trois « j’t’aim’ » d’une seule traite !).
Nuit de mercredi 29 à jeudi 30/04, 1 h 15 du matin.
Je rentre très tard, j’ai passé la soirée chez Victoria. Demain est une journée très importante question boulot, je vais chez le client pour lequel j’ai été embauché. J’ai intérêt à être en forme. J’ai besoin de te parler, je pense à toi sans arrêt. Je repense à ce que tu m’as dit comme quoi tu avais trop souffert d’avoir aimé, que tu ne voulais plus replonger dans un truc pareil. Je me sens un peu dégueulasse d’utiliser mes anciens écrits, mes anciennes chansons, mais j’ai quand même envie de te dire celle-ci :
PLUS JAMAIS
1 J’veux bien qu’on m’dise des mots d’amour,
Des choses marrantes ou des discours
Qui n’vont jamais très loin
Mais qui font qu’on se sent bien.
J’ai rien contre si l’une d’entre vous m’aime,
C’est tant mieux et c’est son problème,
Et c’est tant pis pour elle
Si elle croit aux amours nouvelles.
2 J’veux bien qu’on passe son temps à m’attendre,
Qu’on soupire et qu’on veuille se pendre
Entre deux rendez-vous
Tell’ment loin qu’on devient fou.
J’accepte qu’on souffre en silence
Pour des baisers sans importance,
Alors que, dans son cœur,
On croyait à tant de bonheur.
Refrain Car plus jamais,
Non, plus jamais,
Je n’referai ce que j’ai fait avec toi.
Non, plus jamais,
Au grand jamais,
Je n’aimerai à m’en mordre les doigts.
3 J’veux bien qu’on s’retrouve sur l’carreau,
Les bras cont’ soi, les yeux K.O.,
Avec un front qui pleure
Et une tête à demander l’heure,
L’air plus sonné qu’un vieux boxeur
Qui s’laisse compter dix en douceur,
Plutôt que d’se rel’ver
Et d’prendre encore des coups dans l’nez.
4 J’dirai rien si on capitule,
Si on se rend et qu’on annule
Les protections d’usage
Qui font de nous des êtres sages,
En abandonnant sa fierté
Pour un amour qu’on voudrait tuer,
Et puis qu’on tue même pas,
Jurant qu’c’était la dernière fois.
Au refrain.
Instrumental et chœur sur demi-couplet.
Au refrain et fin.
Est-ce que c’est un truc un peu comme ça que tu as ressenti, Patricia ? Si c’est le cas, ce que je peux te dire c’est qu’avec beaucoup de temps, on peut encore arriver à aimer, même encore plus qu’avant. J’espère avoir la chance d’être l’heureux élu le jour où tu jetteras ton dévolu sur ton nouvel amour. Espérons, espérons... Je t’aime.
Encore un mot sur mes chansons. Je crois que la plus belle de toutes, c’est celle que j’ai faite pour
toi. Je n’en suis pas à l’origine, on l’a faite à deux, mais je peux te jurer
que du jour où j’ai entendu cet ami d’autrefois chanter devant moi une mélodie
pas très bien mise en forme ni terminée, et qui commençait par
« Lætitia-a-a... », je peux te jurer que je n’ai eu de cesse te
trouver ce qui lui manquait, c’est-à-dire un refrain dont j’ai fait la musique
et les paroles, et de parfaire et terminer le reste du texte de la
chanson :
LÆTITIA
1 Lætitia-a-a,
Ça fait si longtemps déjà-à-à
Que j’ai craqué pour toi,
Alors, j’reste planté là,
Et j’te chante simplement ça.
Tout est flou, j’comprends rien-in-in.
J’sais plus qui sont les miens-in-in.
Le temps m’paraît trop long.
Chez moi, ça tourne plus rond,
Et à plus rien, j’suis bon.
Lætitia-a-a !
Oh-oh, écoute-moi-a-a !
C’est si doux, si subtil,
Un amour si futile,
Mais j’ai l’moral si bas.
T’en vas pas-a-a,
Me laisse pas là comme ça-a-a.
Tu sais, j’ai besoin de toi,
Et, dans cette attente, j’ai froid.
Viens, tu me réchauff’ras.
Refrain Aide-moi dans les tourments
Que provoque le sentiment
D’aller vers un nirvana
Où se perdra
Cet amour qui flotte en moi,
Et que rien ne retiendra
Quand le temps aura passé
Sur les années.
2 Lætitia-a-a,
Moi sans toi, j’en veux pas-a-a.
J’donn’rais n’importe quoi
Pour que tu sois à moi,
Et pourtant j’ose pas.
Longtemps j’ai bien réfléchi-i-i,
Et, prudemment, j’te l’ai dit-i-i.
Mais, est-ce que tu as compris
Ces mots que je t’ai écrits ?
Oh, tu hantes mes nuits !
Lætitia-a-a !
Fais attention à moi-a-a.
J’ai l’air d’un con comme ça,
Et tu n’m’écoutes même pas.
Oh, je t’aime, me quitte pas !
Reste là-à-à.
Ne t’éloigne pas de moi-a-a.
Je t’en prie, ne pars pas,
Pour qu’un instant j’y croie,
Même si je sais déjà.
Au refrain.
Instrumental.
Fin Lætitia-a-a...
Je t’ai mis en italique les parties du texte écrites par moi. Le reste est d’un « ami » dont l’absence s’est cruellement fait sentir quand j’étais en prison, donc un ex ami ou pas un ami du tout.
Cette chanson, Lætitia, crois-moi que je me suis battu pour l’enregistrer. J’avais de très gros problèmes d’argent. J’ai dépensé mes dernières liquidités disponibles. Environ 10 000 F, mais c’était 10 000 F de trop avec les problèmes des clients dont les traites revenaient impayées trop souvent. C’est la dernière chanson que j’ai enregistrée de ma vie à ce jour. Ensuite, j’ai fait faillite, puis j’ai trafiqué pour en sortir, puis le trou, la taule pendant trois ans. Maintenant, c’est loin, il y a prescription. On avait enregistré neuf chansons, dont une en double version dont une version longue faite pour être « dance ». J’ai fait un petit album cassette avec le tout, et, sur les pochettes que tu n’as pas vues, le titre de l’album était « LÆTITIA ». Bien sûr, j’ai voulu faire plaisir au copain avec qui j’avais écrit la chanson, mais il se trouve que c’était le meilleur titre finalement. J’ai fait écouter l’album dernièrement à un musicien professionnel, juste un petit bout par chanson. Il s’est tout de suite arrêté sur la tienne, et on a écouté « Lætitia » entièrement, et on l’a même repassée, je crois. En plus le solo de guitare final est superbe, exactement ce que j’aime, un peu Eagles dans « Hotel California », un peu solo français de la meilleure souche, ça se voit que le guitariste était vraiment inspiré. (Un certain Henri qui jouait au pub Saint-germain de temps en temps à l’époque. L’arrangeur m’a dit qu’il ne tournait plus maintenant qu’avec des grosses pointures, qu’avec des stars.). J’aimerais que tu saches que ce mini-album que je n’ai pu, hélas, terminer, j’aimerais que tu saches qu’il a été fait finalement pour toi, que tu en étais l’égérie invisible, et qu’il t’est entièrement dédié.
Il y a des années, j’avais voulu t’emmener assister à une séance d’enregistrement. J’aurais bien voulu que tu viennes bien que ce que j’ai enregistré à ce moment-là était complètement raté. J’ai tout enregistré une tierce, voire une quarte trop haut pour ma voix, à cause d’un prof de chant qui me poussait à tirer sur les aigus et d’un arrangeur qui se foutait de tout en dehors de son pognon. Dans le show-business, il y a plein de putes qui te dépassent largement en prostitution, très très largement ! Si tu veux voir de vraies grandes putes bien monstrueuses, bien horribles, va faire un tour du côté des musiciens français. Ce n’est pas seulement leur corps qu’ils vendent, qu’ils prostituent, c’est leur âme d’artiste, et crois bien qu’il n’y en a plus beaucoup de cette âme, pour peu qu’elle ait jamais existé.
C’était bien sûr aussi de ma faute de m’être laissé influencer dans une mauvaise direction. J’ai cru bien faire en me fiant à des gens plus expérimenté que moi, mais c’était à moi de placer correctement ma voix. Le prof de chant m’a fait faire une grosse erreur, mais il était de bonne volonté. Quant à l’arrangeur, il ne pouvait être qu’enchanté d’une bourde aussi grosse dont il pouvait me tenir responsable, et qui masquait la nullité du reste de son travail. Il s’intitulait arrangeur alors qu’il n’en avait aucunement les capacités, c’était juste un batteur aux sonorités lourdes et de mauvais goût, mais avec un bagou de baratineur de première classe. Il joue depuis quelques temps avec les Rita Mitsuko qui font, à mon humble avis, très fort dans le mauvais goût. « Qui se ressemble, s’assemble. »
C’était il y a des années, peut-être dix ans. J’aurais bien aimé que tu viennes même si les quatre titres que j’ai enregistrés dans ce studio à Paris, je les ai tous mis ensuite à la poubelle. En fait, j’en ai mis deux à la poubelle à peine sorti du studio. J’ai insisté connement sur les deux autres et dépensé un fric fou sur ces enregistrements ratés, j’ai même fait une télé chez Pascal Sevran avec un des deux titres. J’ai déjà touché 7 500 F grâce à cette télé, car elle est repassée une fois. Si jamais elle repasse, je touche 2 500 F à chaque fois. Pour le moment, c’est le fisc qui se sert car ils ont saisi mon compte à la SACEM, je leur dois encore environ 7 000 F, les taxes de propriété de mon ex appartement pendant que j’étais en prison ! Ils ne te font cadeau de rien ! Si bien que le dernier passage est allé dans leur poche. J’ai récupéré un petit peu d’argent sur ces deux titres jusqu’à ce que je réalise que la basse était fausse d’un ton pendant toute la première partie du deuxième couplet. Cela sur l’autre titre que celui avec lequel j’avais fait la télé. L’arrangeur avait oublié de mettre une commande de remise à zéro de la tonalité de la basse au début du deuxième couplet. L’arrangement ayant été fait avec des séquences programmées, comme cela se fait maintenant, l’arrangeur s’était servi des commandes de variation de la tonalité pour faire différents effets de « glissé » (glissando en italien). Seulement il avait laissé la tonalité un ton plus haut sur la basse en faisant un « glissé » montant à la fin du premier couplet, et il avait oublié de remettre la tonalité d’origine au début du second couplet, ce qui fait que la tonalité restait un ton au-dessus jusqu’à la prochaine commande de recentrage qui vient juste après le prochain « glissé », chaque « glissé » étant normalement suivi d’un commande de recentrage de la tonalité. Il avait copié la basse du premier couplet en faisant une simple copie comme cela est si rapide et si facile à faire avec un ordinateur, et il n’avait pas entendu que sa basse était fausse au début du deuxième couplet. Il avait oublié de recentrer la tonalité de la basse à la fin du premier couplet. Erreur quand même plus que grave ! J’ai mis du temps pour m’en apercevoir, et là j’ai arrêté les frais sur ces merdes. Mais tu m’aurais quand même fait très plaisir à l’époque si tu étais venue.
Le mi-album qui t’es dédié a été fait par un autre arrangeur, les tonalités sont déjà meilleures. Aujourd’hui, je n’en changerais que quelques-unes, et pas de beaucoup. L’orchestration est beaucoup plus professionnelle. Il n’y a pas de fausse note. L’arrangeur était, comme la quasi-totalité de ses collègues, une putain monstrueuse dans l’âme, mais je n’ai pas pu trouver autre chose, cela n’existe peut-être pas ou n’existe plus. J’apprécie beaucoup la chanson « Lætitia » que j’ai faite spécialement pour toi, et j’espère que tu l’écouteras de temps en temps avec un peu de plaisir. Je t’aime.
Je te donne la version anglaise que j’ai fait faire par une amie. Elle est enregistrée aussi, tu me diras si tu aimerais l’entendre (je pourrais te faire une copie de la version anglaise) :
LÆTITIA
1 Lætitia-a-a,
It’s such a long time ago-o-o,
I fell in love with you,
I do my best to show
That my love for you is true.
I’m dizzy and in a daze-a-aze,
I see life through a haze-a-aze,
It isn’t just a craze,
It’s no good I can’t pretend,
Time never seems to end.
Lætitia-a-a,
Oh-oh, listen to me-e-e !
Softly and so gently
Is love for fantasy,
But how I feel so blue.
Please don’t go-o-o,
Don’t leave me there like that-a-at,
For you know I need you so,
But your coldness leaves me flat,
Come and let your love flow.
Chorus Help me in my deep distress
Where I feel so hopeless,
Drifting towards nirvana
Where I shall loose
My love for you Lætitia.
There I’ll never get to choose
After all the passing years
Time disappears.
2 Lætitia-a-a,
I can’t live without you-ou-ou,
I would do anything
Just to really have you,
And yet I’m not daring.
I’ve thought and thought about us-us-us,
But don’t want to make a fuss-uss-uss,
Have you ever understood
Words of love that sound right ?
Oh, you’re haunting my nights !
Lætitia-a-a,
Will you take care of me-e-e,
Now I look like a fool,
No pretending to be cool,
I love you so, please don’t go.
Stay with me-e-e,
I beg you don’t go away-ay-ay.
Oh, please, just let me see
That you really love me
Although I know you won’t stay !
To the chorus.
Instrumental.
End Lætitia-a-a...
Tu vois, même dans mes chansons, tu es encore là, et à la première place, comme toujours ! Tu es trop trop trop... Trop, quoi ! Maintenant que je le sais, je ne pourrai plus jamais me passer de toi, Patricia. Aucune autre femme ne compte. J’aimerais t’écrire des chansons de bonheur fou, un peu comme celle-là :
JE T’AIMERAI
1 On a vu souvent par ici
Des jours sans fin, des jours de pluie,
Ils venaient frapper à ma porte
Et me conter les amours mortes.
Ils étaient froids, ils étaient gris,
Ils chantaient tout ce qui s’oublie.
Je les ai vus par la fenêtre,
Je n’ai pas détourné la tête.
Refrain 1 Même les serpents de la mer,
Même les tourments de l’enfer,
Ne pourront vraiment rien y faire,
Je t’aimerai, je t’aimerai.
Même les îles d’Italie
Ne jetteront jamais l’oubli
Sur ce qui s’est dit aujourd’hui,
Je t’aimerai, je t’aimerai.
Reprise instrumentale.
2 Nous avons vécu bien des temps
Dans des prisons, dans des couvents,
Derrière des murs à l’infini
Parlant d’amour et d’interdits.
Mais ils sont morts, ils ne sont plus
Que des vestiges disparus.
Je les ai vus par la fenêtre,
Ils n’avaient plus rien sur la tête.
Refrain 2 Comme les amants qu’on libère,
Comme le chant d’une rivière,
Formant les eaux d’un peuple fier,
Je t’aimerai, je t’aimerai.
Comme le Nil d’un Egyptien,
Comme la terre d’un Sicilien
Parti longtemps et qui revient,
Je t’aimerai, je t’aimerai.
Refrain 3 Je te garderai près de moi
Aussi longtemps que tu voudras.
Je vivrai toujours cette joie,
Je t’aimerai, je t’aimerai.
Et plus tard quand tu partiras
Vers d’autres lieux, vers d’autres lois,
Dans le souvenir de ma foi,
Je t’aimerai, je t’aimerai.
Reprise instrumentale de fin.
Je t’aimais, je t’aime et je t’aimerai. Tiens, c’est aussi une chanson, de Francis Cabrel. Tu aimes Cabrel ?
Bonne nuit, mon amour. Je t’embrasse.
Jeudi 30/04.
Je suis allé à Tours. Tout s’est très bien passé. Je suis rentré très fatigué de manque de sommeil. Je commence lundi prochain à 13 h. D’abord quinze jours en double avec le gars que je remplace et qui va partir pour un boulot plus intéressant. Il monte en grade, j’espère le suivre d’ici quelques temps. Ensuite j’y suis pour au moins jusqu’à la fin de l’année, et après on verra. Je vais avoir des horaires d’équipe, 6 h - 13 h 30 et 13 h - 20 h 30, sauf le vendredi où l’on termine à 20 h. Je compte y aller en voiture et revenir à Paris tous les week-ends. Je pourrai donc te voir sans trop de difficultés, c’est à 3 heures de route et 1 h ½ de T.G.V. J’étais content pour le boulot mais j’étais hyper malade en pensant à toi. Pourquoi est-ce que tu m’as traité si durement dimanche dernier ? J’ai bien vu que je tombais mal, et puis j’ai fait la gueule parce que tu avais oublié ma lettre, que tu ne l’avais même pas lue. Est-ce que tu l’as lue depuis ? Et l’autre aussi ? Celle-ci est la quatrième lettre. Peut-être que tu en as marre de moi ? Peut-être que tu ne vas plus rien lire du tout de ce que je t’écris ? Peut-être que tu vas même refuser de monter avec moi ? Peut-être que tu vas même refuser de me parler ? Peut-être que tu vas me jeter complètement ? Et si j’insiste, peut-être que tu vas même me faire jeter par un des gros malabars que tu payes avec tes copines pour qu’ils vous protègent. Peut-être que tu en aurais même rien à foute de me voir la gueule en sang dans le ruisseau de la rue Blondel ? J’ai honte de ce que je pense de toi, j’ai honte de moi, j’ai honte de toi, j’ai honte d’être amoureux de toi. Merde alors ? Pourquoi ce revirement la dernière fois que je t’ai vue ? J’ai été tellement heureux avec toi les fois précédentes. Qu’est-ce que j’ai fait ? Qu’est-ce qui t’a pris ? Je ne devrai pas venir dans la nuit du samedi au dimanche, tu n’es pas normale, surtout vers 6 h du matin, tu ne tiens plus. Je ne t’en veux pas d’avoir oublié ma lettre, si un peu quand même, du moment que tu me lis après. C’est pour ça ? C’est parce que j’ai fais la gueule et que tu ne veux pas te sentir avoir de compte à rendre à personne ? Tu ne veux plus jamais te sentir dépendante de quelqu’un ? Tu ne veux plus jamais aimer ? Tu ne veux plus jamais souffrir à cause de quelqu’un ? Qu’est-ce que tu crois ? Tu souffriras toujours. Ta fille, Julia, elle sera bien grande un jour, elle partira avec un homme, elle te fera souffrir encore pire, elle te laissera toute seule. Il faudra bien qu’elle fasse sa vie de femme. Tu veux arrêter de l’aimer à cause de ça ? Dans un peu plus de treize ans, elle sera majeure. Elle partira, elle te quittera. Tu la vois toute petite aujourd’hui, mais treize ans et demi, c’est vite passé. Cela fait bien plus longtemps que ça qu’on se connaît, et tu vois, c’est comme si c’était hier. Je t’aime, je veux que tu ne disparaisses plus jamais de ma vie. Tu me dis que tu vas continuer un an et demi-deux ans. Et après, où est-ce que je vais te voir ? Nul part. Je ne sais rien sur toi. Pas une adresse, pas un numéro de téléphone, même pas une photo, rien. Bien sûr, avant que tu partes, disons avant un an, pour plus de sûreté, je prendrai la précaution de te faire suivre, je ferai appel à une agence de détectives privés pour au moins ne pas perdre complètement ta trace. C’est tout ce que je peux faire si tu ne me donnes rien pour ne pas te perdre complètement. Avant que tu reviennes, j’offrais déjà 1 000 F à des filles qui prétendaient te connaître pour retrouver ta trace. C’était un peu radin de ma part, mais j’aurais donné beaucoup plus su j’avais été sûr. Et puis ce genre d’affaire se marchande toujours, alors il vaut mieux commencer avec la barre au plus bas. Maintenant, je suis près à dépenser tout ce que je gagne pour ne pas te perdre. De toute façon, si je me suis remis au travail, c’est uniquement à cause de toi. Je voulais travailler pour toi et pour Julia, m’occuper de vous deux. Tu comprends pourquoi je la voulais tellement cette photo ?
Dans le train, j’ai lu un livre que m’a offert Victoria. Il y a un passage où un personnage cite le début d’un poème de Gérard de Nerval que j’avais étudié vaguement à l’école. Cela te rappellera peut-être aussi des souvenirs de cours de français :
Je suis le ténébreux, le veuf, l’inconsolé,
Le prince d’Aquitaine à la tour abolie ;
Ma seule étoile est morte, et mon luth constellé
Porte le soleil noir de la mélancolie.
C’est un peu gros, un peu forcé, un peu désuet pour notre époque, mais voilà comment je me sens depuis la dernière fois que je t’ai vue. Je suis devenu veuf, veuf de toi. C’est comme si tu étais morte, c’est pire que si tu m’avais tué, et moi, je n’ai qu’une seule envie, j’ai envie de mourir, mais je sais que je vais continuer à vivre, à vivre et à souffrir horriblement, à vivre parce que nous sommes toujours vivants tous les deux et qu’il y a donc toujours un espoir, parce que tu es toujours là quelque part, même si je ne sais pas où, même si je ne sais que trop où tu es, je vais continuer à vivre comme le condamné à mort que je suis devenu ce dimanche matin-là, parce que j’attendrai toujours ma grâce jusqu’au dernier moment, parce je sais qu’un seul mot, un seul signe de toi peut me faire revivre entièrement. Je t’aime, je t’aime, je t’aime. Si tu viens me déposer un baiser seulement dans des décennies, sur mon lit de mort, eh bien, je n’aurai pas vécu en vain !
Nuit de vendredi 01 à samedi 02/05/98.
Je n’en pouvais plus de ne pas te voir. Il fallait absolument que je te parle. Dieu merci, tu ne refuses pas de me voir ! Je ne suis pas condamné à mort, juste condamné à perpétuité, c’est déjà ça ! Je crois que je vais pouvoir tenir jusqu’à la nuit de dimanche à lundi. J’ai hâte de te voir. Je ne veux plus risquer de monter avec toi à un autre moment, cela se passe trop mal. Tu es pressée, tu regardes ta montre pour partir ou tu penses aux clients que tu perds. J’ai discuté avec le gars qui venait de monter avec toi. Assez mignon et sympa. Ils ont fait un deal avec toi à deux, c’est plus économique !. Le premier s’appelait Ben, il m’a dit qu’il n’avait pas pu faire l’amour avec toi. Je lui ai dit que cela faisait trois fois que je ne faisais plus l’amour avec toi, que depuis trois mois j’étais tombé amoureux de toi. Tu es trop saisissante. Je ne suis pas le seul à ce que je vois ! Il m’a demandé comment je t’aimais, je lui ai dit « à en crever ». Il m’a demandé si je n’étais pas jaloux, je lui ai dit que tu ne m’avais donné aucun droit sur toi. Il m’a demandé si je t’aimais à t’épouser, je lui ai dit que oui. Je lui ai dit aussi que si un jour on était marié, je casserais la gueule au premier mec qui fricoterait avec toi dans un coin, mais qu’en attendant, je n’avais aucun droit. Il était gentil, il m’a offert deux cigarettes, je n’en avais plus beaucoup sur moi. Je lui ai dit que je te connaissais depuis 19 ans, que tu étais encore plus belle qu’avant. Je crois qu’il avait un peu de pitié pour moi, mais il était sympa. Il n’avait que dix-neuf ans. Je lui en donnais plus. A cet âge-là, on pense trop à soi, à sa petite personne, il ne pouvait pas t’aimer vraiment, juste un éblouissement. Je sais que tous les hommes t’aiment, Patricia, qu’ils sont fous amoureux de toi, à rester saisis devant toi, mais il y en a aucun qui t’aime autant que moi. Je t’aime, je t’aime, je t’aime, mon amour adoré, ma Patricia chérie. Et l’autre poufiasse qui t’appelle « Lélé » ! Comment peut-on t’appeler de ce nom débile ? Parce qu’il y a une autre Lætitia. Mon amour adoré, ma princesse, un jour tu seras ma femme, mais qu’il est long le chemin...
A lundi matin, mon amour ; j’espère que tu auras trouvé le temps de lire un peu mes lettres. J’écris trop, c’est comme ça. Je t’aime trop, c’est comme ça. Tu es trop, que veux-tu que j’y fasse ? Je voudrais te serrer sur mon cœur et te dire que je serrai toujours là pour toi, que je ne t’abandonnerai jamais, même si tu devenais laide, défigurée, accidentée, meurtrie, malade, je serai toujours là pour toi. Je serai là quand tu seras vieille, toute ridée, toute moche. Je serai le seul à savoir combien tu es belle ! Je serai toujours là, jusqu’à ton dernier jour. Il n’y aura que la mort pour nous séparer, et encore, pas sûr ! Si je mourrais avant toi, je resterais à côté de toi pour veiller sur toi et Julia. J’empêcherais les accidents, je ferais des trucs de fantôme pour vous protéger de tout, mais je resterais discret, vous n’auriez peur de rien.
Tu m’as demandé « A quoi ça sert ? ». Ça sert à ce que tu saches que tu ne seras plus
jamais seule, qu’il y a toujours quelqu’un qui t’accompagne, que le jour où tu
le voudras, tu pourras te reposer sur lui. Voilà à quoi ça sert. Ça sert à ce
que tout l’amour que tu as en toi, tout cet amour puisse se répandre le jour où
tu le voudras bien. Tu as trop d’amour pour rester toujours uniquement avec ta
fille. Un jour tu voudras te risquer à aimer un homme de nouveau, un jour tu
voudras reprendre ce risque, le risque qui tue. Ce jour-là, tu sauras où me
joindre. Tu seras prête à mettre de nouveau ta tête sur le billot, mais je n’en
profiterai pas pour t’achever, je ne te frapperai pas, je relèverai ta tête
pour embrasser tes lèvres, et je te dirai que tu es mon amour adoré, et je ne
t’abandonnerai jamais, jamais, je ne te trahirai jamais avec une autre, jamais,
jamais. Lorsque tu te donneras à moi, je serai complètement à toi, pour toujours, je ne me reprendrai jamais, jamais.
Samedi 02/04.
Je t’aime de tout mon cœur, mon poussin adoré. J’ai différentes choses à faire pour préparer ma semaine à Tours, mais je pense beaucoup à toi. J’ai hâte de te voir demain. Comme tu étais belle hier quand on s’est parlé rue Blondel pendant quelques minutes. J’ai ressenti une formidable attirance vers toi, et j’ai aussi ressenti que tu ne m’étais pas complètement hostile. Je t’aime tellement, Patricia, alors laisse-toi aller. Je te sens si proche et si réservée, tout à fait à l’aise et sur tes gardes à la fois, je sens que tu serais presque sur le point de m’aimer, de tomber dans mes bras, et je me demande aussi si tu ne joues pas avec moi comme tu sais si bien le faire, ou si une curiosité gourmande voudrait simplement savoir jusqu’où je suis capable d’aller. J’irai plus loin que n’importe qui pour toi, Patricia, et tu peux jouer avec moi autant que tu veux, mais dis-moi que tu m’aimes, dis-le-moi seulement rien qu’une fois. Enfin, tu me laisses une chance de te courtiser ! Mais avec cet air de dire « A tes risques et périls, mon petit gars. C’est toi seul qui l’auras voulu. » Et toi ? Quand est-ce que tu prends des risques et des périls ? Ton petit cœur est-il si fragile que tu craignes tant pour sa santé ? Tu m’as pourtant l’air d’une femme en pleine santé. Tu te juges peut-être trop vieille pour te lancer dans un grand amour ? A ton âge, ce n’est plus bien la peine ? Retraitée du cœur ? Et ça vous rapporte combien par mois cette retraite, ma bonne vieille dame ? Fais-moi penser à t’offrir une petite canne pour les vieux jours de ton cœur ! Je t’aime, mon gros bébé !
Je t’écris trop, je t’assomme, je le sais. Tu n’arrives même plus à me lire tellement il y en
a ! C’est entièrement de ma faute. Mais qu’est-ce que j’aimerais qu’on
m’écrive des trucs pareils ! Une fois que tu seras devenue bien amoureuse
de moi, une fois que tu seras bien accrochée, je me vengerai. Je te ferai
écrire des centaines de lignes de « Je t’aime, Michel ». Je t’en
ferai remplir des cahiers. Et toutes les lignes que je jugerai mal écrites ou
écrites sans véritable grande conviction seront à refaire ! Cela pour
t’apprendre à avoir été si cruelle envers moi. Je t’aime mais je ne te le dirai
pas pendant au moins tout un paragraphe.
Dimanche 03/05/98, 15 h 25.
Je viens de recopier des textes de chanson que j’ai envie de te montrer « Je vais t’aimer » de Michel Sardou et « Aïcha » de Goldman et Khaled. Comme j’étais fatigué, j’ai demandé à un copain de noter la deuxième, « Aïcha », mais il y a des mots que je ne comprends pas, il faudra que je puisse la réécouter avant de te la montrer. J’ai passé des moments difficiles depuis hier soir. Dur de ne pas penser à soi, dur d’avoir en permanence la générosité nécessaire pour faire ta conquête, dur de ne pas avoir envie de laisser tomber, dur de ne pas t’en vouloir, te détester, de crier à l’injustice. Mais l’amour est la plus grande des injustices. Les histoires de preux chevaliers qui, grâce à leur droiture, leur vaillance, et tout un tas de qualités, conquièrent le cœur de leurs belles, tout cela c’est du cinéma. Dans la vie, l’amour est une injustice flagrante. D’abord la beauté physique ! Elle n’a, bien sûr, rien à voir avec le mérite ! Et puis, qu’est-ce qui fait qu’on est attiré par une personne, qu’on a de la tendresse et puis de l’amour pour elle ? Mystère et boule de gomme ! Peut-être que je te rase, peut-être que je te distrais, peut-être que je commence un peu à t’intéresser, que j’ai une petite chance, qu’il ne faut pas que je m’arrête en chemin. Je ne sais pas ; Quand je vois que tu n’as même pas eu le temps de lire mes deux dernières lettres. Ouais, tu n’as pas fini ! Bof ! Est-ce que je te donne celle-là ce soir si tu n’as pas terminé les autres ? Est-ce que j’arrête de t’écrire ? Tu m’as pourtant fait le signe que je t’avais demandé dans ma première lettre, tu m’as dit en insistant bien pour que je comprenne, que tu l’avais lue. Elle ne faisait que six pages. Maintenant j’écris des albums. La deuxième, vingt-trois pages ; la troisième, entre les deux. Celle-ci va être aussi assez longue. J’ai besoin de te parler pour qu’on se connaisse, mais il faut aussi que tu me dises quelque chose. On dirait que tu veux rester lèvres closes. La semaine dernière, tu m’as jeté de façon horrible ; vendredi, tu n’étais pas mécontente de me revoir, mais c’est tout, tu n’en dis pas plus. Tu fais ton boulot de professionnelle. J’ai envie de hurler : Arrête, Patricia. Je ne sais plus quoi faire. J’ai un tas de choses à te dire mais je me demande si je ne ferais pas mieux d’essayer de t’oublier, mais je sais que je vais en crever, et puis quelque chose me dit que tu as besoin de moi, que tu en as horriblement besoin, que si je te laisse tomber, je ne serais qu’un salaud, qu’une ordure. Hier, je me regardais dans la glace, et je me disais « Avec ta petite gueule de beau gosse qui ne vieillit pas trop mal, qu’est-ce que tu te fais chier avec une fille pareille, alors que tu peux avoir toutes celles que tu veux ou presque pour peu que tu t’y mettes ?» C’est orgueilleux et vantard, mais je suis plutôt prétentieux que modeste. Ou alors, comme me dit ma copine Victoria, est-ce le défi à relever qui m’inspire ? Conquérir le cœur d’une pute, d’une fille super blindée côté sentiment, quel exploit sportif ! Ou encore, comme tu me l’as si gentiment fait entendre dimanche dernier, pour avoir mes fantasmes sous la main ? Tu crois que je t’aime parce que tu m’as attaché, enculé avec un gode, et donné quelques coups de cravache sur la bite ? Ou parce que j’ai envie de te fouetter ? Il est normal que tu te poses la question. Je te ferai remarquer que j’ai fait ce genre de trucs avec d’autres filles dont je ne suis pas tombé amoureux. Je me suis servi de toi pour me distraire à des jeux érotiques excitants, pour réaliser des fantasmes sado-maso, et pour m’aguerrir sexuellement. Je suis tellement bien aguerri aujourd’hui que j’ai du mal trouver une excitation sexuelle. Je crois que c’est dû à une fatigue générale : trois ans de taule, 4 mois d’alitement après accident et 6 mois de chômage. Tout ça n’est pas bon pour la forme. En plus, être saisi par une vague de sentiments à ton égard me paralyse quelque peu. Difficile de te prendre comme une pute. Quant à faire des jeux érotiques sado-maso, comme tu me l’as gentiment proposé en précisant quand même que « c’était un peu plus cher » car tu restes toujours planquée derrière la professionnelle, quant à me faire fouetter par toi en ce moment, même si cela pourrait m’exciter et me donner la force de te baiser comme une pute, je ne crois pas que je pourrais le supporter moralement. Je suis tombé amoureux de toi, ou j’ai réalisé que je l’étais. Tu crois que je pourrais allier des extases sexuelles à des extases sentimentales pour être renvoyé dans la nuit froide de l’absence de toi, du manque de toi, de la solitude totale ? Il m’est arrivé une fois dans ma vie de craquer, tellement j’avais peur de me faire prendre par la police. Je sais que mes nerfs ne sont pas à toute épreuve, que j’ai des limites, que je prends de l’âge, que je ne suis pas aussi invincible que je l’imaginais, que je ne peux pas tout me permettre, que je peux craquer nerveusement et que je dois faire attention de ne pas aller trop loin. Je ne peux plus mêler mes sentiments pour toi avec des pratiques sexuelles marginales dans la société actuelle, cela cause trop de problèmes, trop de barrières mentales entre toi et moi. Il y en a déjà assez comme ça ! Ça serait trop dur ! A moins que ton intention soit de me guérir des sentiments que j’ai pour toi ? Compte là-dessus, ma fille, et bois de l’eau ! Je n’ai pas du tout envie d’être guéri.
Je t’aime, je t’aime, je t’aime. Tu vois, j’ai tenu tout un paragraphe ! Un grand paragraphe, en plus ! En fait, j’ai triché, j’avais envie de te dire « je t’aime », alors j’ai fait « Return », retour chariot, fin de paragraphe. Ouf ! Je ne tenais plus ! Je t’aime, je t’aime, je t’aime. Ce n’est pas moi qui t’ai amené au pays des fantasmes sexuels, ce n’est pas moi qui t’ai installé rue Blondel. Je t’y ai trouvée, tu y étais déjà avant que j’arrive pour t’y voir. Tu dis que tu n’as pas de fantasme. Tu te contentes seulement de te prêter à ceux des autres contre de l’argent. Tu es une petite maligne, quoi ! Comme toutes les prostituées, tu méprises les fantasmeurs à qui tu donnes le fouet, et si tu te fais fouetter, c’est contre une somme d’argent suffisamment extraordinaire pour certifier que tu n’y prends aucun plaisir, que tu n’y as aucun goût. Ouais, ouais... C’est la version officielle. Tellement officielle, tellement banale, que la plupart des anciennes prostituées deviennent des puritaines complètement pourries, complètement imbaisables de la répulsion qu’elles se sont crée pour le désir sexuel. Dans la vie, on passe un petit peu de son temps à mentir aux autres ; mais la plus grande partie de son temps, on le passe à se mentir à soi-même. Tu n’as pas de fantasme sexuel, Patricia ? Absolument aucun fantasme sexuel ? Tu es une vraie professionnelle vierge de tout fantasme sexuel ? Magnifique ! Bravo ! Ou plutôt « Brava » puisque c’est à la femme que cela s’adresse. J’applaudis des deux mains, je me lève pour la « standing ovation » de la star des stars ! ! ! Il y a quand même une petite question que l’on peut se poser, c’est que depuis 1974, mis à part une interruption de quatre ans pour élever ta fille, tu pratiques quand même une activité qui est la consécration et l’amalgame de tous les plus grands fantasmes sexuels féminins. Si j’en crois les quelques petites données que j’ai sur ce sujet, « faire la pute », c’est bien le plus grand fantasme sexuel qu’on retrouve régulièrement dans la tête de toutes les femmes. Et toi, tu le réalises, tu le vis entièrement, tu t’y es plongée à fond depuis dix-neuf ans, et après quelques années d’interruption, tu y reviens pour y mordre de toutes tes dents. Ça s’appelle comment ça ? Ça ne s’appelle pas être la reine des fantasmeuses ? Se prostituer, provoquer le désir d’un nombre incalculable d’hommes, faire admirer ton corps superbe par des milliers et des milliers de paires d’yeux dans l’intimité d’une chambre, sentir monter le désir de ces hommes, leur prendre beaucoup d’argent, le plus possible, les faire jouir, les sentir à ta merci, te prêter à tous leurs fantasmes, jouer avec eux, leur parler, leur sourire, sentir l’intensité de leurs regards et de leurs désirs, les sentir faibles ou coupables lorsqu’ils t’avouent leurs fantasmes secrets que tu connais comme ta poche, relever le défi de leurs jeux de domination, qu’ils veuillent jouer au maître ou à l’esclave, ce sont eux qui te sollicitent, qui te demandent, qui mangent dans ta main, te sentir adorée, vénérée, adulée, et même, osons le dire, déifiée comme une prostituée sacrée de l’antiquité, te sentir déesse, déesse de l’amour, égale d’Eros, immortelle, comme si ton ambroisie (breuvage qui rendait immortel les dieux de l’Olympe) était la liqueur séminale qui se répand à loisir sur ton passage, te sentir vivifiée, grisée et pleine de toute cette énergie sexuelle que dirige sur toi tous les hommes, et même toutes les femmes. Astarté cruelle, Isis compatissante, Aphrodite ou Vénus érotiques, Lilith démoniaque, et Madone angélique, tu es le rêve de toutes les femmes, le désir de tous les hommes, tu es la prostituée, le fantasme sexuel incarné.
Je voudrais te dire que ce n’est pas pour ces fantasmes, pour les tiens, et pas non plus pour les miens que je t’aime. Est-ce que tu peux me croire là-dessus ? J’aimerais que tu arrêtes, qu’on arrête tous les deux. Je ne veux pas que nous devenions des puritains ni que nous retournions à l’état de primitifs sexuels. Je voudrais que l’on voie qu’en dehors des fantasmes, il y a aussi beaucoup d’autres choses. Question argent, tu peux continuer à te mentir toi-même autant que tu veux, tu sais très bien que cela ne se passe jamais comme ça. Tu sais que tout ce fric disparaîtra d’une façon ou d’une autre, qu’il sera sûrement englouti dans je ne sais quelle connerie, que c’est obligatoirement toujours comme ça que ça se passe. Tout ce fric ne sert qu’à dissimuler le fantasme de la prostitution, et il ne peut absolument servir à rien d’autre. Il faut qu’il soit foutu en l’air à la première occasion. Aucune prostituée n’a jamais fait fortune, c’est moralement et mentalement impossible. Tu ne pourras pas te retirer avec un petit pécule et vivre peinard, c’est impossible. Cet argent brûle les doigts, tu ne pourras absolument pas le garder. Tu en as déjà fait l’expérience, tu as déjà claqué des dizaines de millions que tu avais tirés de la prostitution. Tu feras pareil avec ce nouvel argent, et tu le sais d’avance. Toutes les autres filles font comme toi, elles claquent tout. Tu ne pourras pas faire autrement, c’est irrésistible. Tu te dis que tu y arriveras cette fois-ci, parce que maintenant tu as Julia et que tu garderas l’argent pour elle. Non, Patricia. Justement, à cause de Julia, tu le claqueras encore plus vite. Tu feras disparaître les traces, pour pas qu’elle devine, pour pas qu’elle sache, pour pas qu’elle te regarde avec l’air de te dire « Maman, dis-moi que c’est pas vrai que t’es une pute ». Laisse béton, Patricia ! Arrête !
J’aurais pu me retirer avec 40 à 50 briques lorsque j’ai fait faillite. J’aurais pu le faire en magouillant bien, c’est même ce que j’aurais dû faire. Seulement, je n’ai pas pu. J’ai craqué, je n’ai pas pu accepter. J’ai essayé de rembourser tout ce que je pouvais, mais je n’ai fait qu’aller de catastrophe en catastrophe, et finalement la taule et le lessivage financier total. Il aurait fallu que je supporte de débarrasser le plancher vite fait, mais moralement, je ne le supportais pas. J’ai voulu trafiquer pour rembourser mes dettes, et cela a mal tourné. C’est en voulant éviter de faire du mal qu’on en fait encore plus. Pourtant j’avais des raisons éthiques derrière, je ne peux t’en parler car il s’agit d’activités plus ou moins politiques, enfin j’avais des raisons que j’estime valables de vouloir de l’argent, j’étais en état de guerre en quelque sorte, à la guerre tout est permis sauf de perdre, sauf de ne même pas faire la guerre quand on sait qu’il faut la faire. Mais basta ! le temps fera ce qu’il a à faire. Il faut laisser le temps à l’histoire de se dérouler et ne pas s’acharner à vouloir à tout pris agir quand on ne le peut pas encore, même si les conséquences sont graves, on n’y peut absolument rien. J’ai dû me résoudre à n’y rien pouvoir.
Je t’aime vraiment, ma chère Patricia. Je t’aime d’un amour raisonnable et réfléchi (j’en suis capable, tu sais !). Je te présente mes excuses pour les fantasmes que j’ai faits avec toi, pour tout ce qui a pu me déconsidérer vis-à-vis de toi, pour m’être fait enculer, attacher, fouetter, pour t’avoir demandé si tu voulais faire la même chose, et tout ce qui as pu t’offenser ou me rendre méprisable à tes yeux. Je t’en demande pardon, très sincèrement. Même si je n’en ai aucune honte car je ne partage pas la culture sexuelle actuelle de notre société, je t’en demande pardon car j’ai agi sans me soucier de savoir qu’elles étaient tes normes, tes dispositions d’esprit, je ne me suis vraiment pas soucié de ce qui t’était intimement acceptable ou inacceptable, je n’ai pris aucun soin de ta culture sexuelle, je t’ai simplement utilisée comme une prostituée de qualité pour mon propre plaisir et mes expériences personnelles. Je te demande très sincèrement de me pardonner pour mes fantasmes, pour mon égoïsme, et pour avoir porté le scandale sur moi devant tes yeux. Je te jure que mon amour n’a rien à voir avec l’utilisation que j’ai faite de toi, ni que j’envisage de faire. Je te promets de ne faire avec toi que selon les normes de ta culture sexuelle et non de la mienne. Je te demande pardon aussi pour t’avoir pénétrée, pour t’avoir violée contre de l’argent, pour t’avoir fait l’amour sans ton amour, pour avoir profité de toi pour mon plaisir, même si tu avais tes raisons. Je te demande pardon pour mon anesthésie, mon impuissance sexuelle, qui insulte à ta superbe beauté, au désir que tu inspires. Je te demande pardon aussi s’il m’arrive encore de te prendre, de te faire l’amour sans ton amour. Je ne sais si tu es plus à l’aise quand je te fais l’amour ou pas. Je te demande pardon pour tout.
Je te promets aussi de ne jamais te reprocher de t’être prostituée, de ne jamais y faire allusion, de ne jamais même y penser tellement je veux te pardonner tout à l’avance pour peu qu’il y ait quoi que ce soit à pardonner, pour peu que j’en aie aucun droit, et surtout parce que je n’en ai vraiment vraiment rien à foutre. Je te promets de toujours travailler pour prendre soin de toi et de ta fille, de faire tout mon possible pour vous soyez toujours en sécurité toutes les deux et pour que ta fille ne manque de rien, de faire tout mon possible pour gagner assez d’argent pour que vous viviez bien, et que ta fille soit heureuse. Je te promets de m’occuper de ma santé et de faire ce qu’il faut pour être un homme en forme, digne de toi. Je te promets de ne pas m’épuiser dans des actions ou des expériences difficiles, de ne pas trop travailler, de n’abuser de rien et de m’occuper d’abord de vous (sauf ordre exprès du Saint-Esprit, comme le veulent la bonne foi et la coutume de ma religion catholique. Mais rassure-toi, les interventions célestes sont excessivement rares, et foutent généralement la paix aux amoureux !).
Puisque je te parlais de fantasme, cela me donne envie de t’en décrire un, très très érotique. Tu vas peut-être me trouver bizarre sexuellement, mais écoute quand même. Alors voilà, mon fantasme se passe dans un grand supermarché. Je trouve que les supermarchés, c’est très érotique. Dans mon fantasme, je marche avec un caddie à commissions devant moi. Dans ce caddie, je mets tout un tas de marchandises, du beurre, des yaourts, des confitures, des spaghettis, des gâteaux. Il y a même des produits de beauté pour femme (même des tampax !). Il y a plein de trucs dedans. J’y vois même un jouet et un livre pour enfant. A côté de mon caddie, il y a une femme qui marche avec moi et qui prend aussi diverses choses sur les rayons et qui les met dans le même caddie que moi. C’est une femme très belle, avec de grands cheveux, des cheveux forts et longs qui lui tombent sur les épaules, des cheveux plutôt blonds mais avec aussi d’autres couleurs. Elle a les yeux bleus et un visage au teint rose ravissant. Dès qu’on tourne le coin d’un rayon, j’en profite qu’il y a moins de monde pour embrasser cette femme très belle. Je lui fais aussi des baisers partout sur le visage. Alors il y a une petite fille qui s’accroche à la très belle femme, et qui dit : « Pourquoi c’est toujours toi qui embrasse ma maman ? Pourquoi c’est pas moi ? » Alors la belle femme prend la petite fille dans ses bras et elle lui donne plein de baisers, comme cela la petite fille est contente aussi. Cette très belle femme a les joues toute roses parce que sa vie consiste souvent à recevoir et à me donner plein de baisers, et encore à en donner et à en recevoir plein de sa petite fille. Alors, c’est forcé qu’avec tous ces baisers, elle ait les joues toute roses, roses d’amour, roses de bonheur. Dans mon rêve, je crois que la très belle femme s’appelle Patricia, et la petite fille Julia.
Qu’est-ce que tu dis de mon fantasme ? Pas mal, non ? Vachement excitant, mine de rien, vachement érotique ! Je t’aime, Patricia chérie. C’est toi que je veux, c’est avec toi que je veux vivre.
Je crois que c’est la bonne chute pour terminer cette lettre. Je te remercie de me lire. Je t’aime et je vous embrasse toutes les deux.
Michel. |
P.S. : je reconnais que c’est effectivement un peu long à lire tout ça. Mais vois-tu, ma fille, si tu veux vraiment tout
mon amour, il faut que tu le mérites ! Alors, bonne lecture...
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