L’entrevue de Stéphane Osmont au sujet de son livre
Le capital dans l’émission « Tout le monde en parle »
de Thierry Ardisson sur France 2, de la nuit
du samedi 14 au dimanche 15 février 2004


Sont cités par ordre d'intervention parmi les invités : Brian Molko, chanteur du groupe Placebo ; Marika Chauvin, compagne de Grégory Basso de l’émission « Greg le Millionnaire » ; Grégory Basso ; Laurent Baffie et Hervé Vilard.

Thierry Ardisson : Et maintenant… (on entend la musique d’« Argent, trop cher » du groupe rock Téléphone. Le public tape des mains sur le rythme du morceau. Brian Molko et Thierry Ardisson chantent sur les paroles du refrain) voici Stéphane Osmont.

(Entrée de Stéphane Osmont sous les applaudissements et sur fond musical rap avec cuivres. Stéphane Osmont va s’asseoir parmi les invités. Au passage, il serre la main de Brian Molko qui permute pour lui laisser sa place face à Thierry Ardisson.)

Thierry Ardisson : Bonsoir.

Stéphane Osmont (il salue Marika Chauvin et Grégory Basso en s’asseyant à leur droite) : Bonsoir.

Marika Chauvin : Bonsoir.

Grégory Basso (assis à gauche de Marika. Il salue Stéphane Osmont en même temps qu’elle) : Bonsoir.

Thierry Ardisson : Stéphane Osmont, bonsoir. Après des activités politiques peu recommandables à la fin des années soixante-dix (moue de Stéphane Osmont) entre l’Italie et la France… Vous étiez quoi ? dans les Brigades Rouges ?

Stéphane Osmont : Non (il rit).

Thierry Ardisson : Dans quoi ?

Stéphane Osmont : Ah ! ça commence très fort !

Thierry Ardisson : Chez les bolchos, chez les gauchos ?

Stéphane Osmont : Non, non, dans les gauchos.

Thierry Ardisson : Les gauchos. Ouais.

Stéphane Osmont : Brigades rouge clair.

Thierry Ardisson : Ouais, rouge clair, d’accord. Après, donc, il y a eu Science-Po et l’ENA…

Stéphane Osmont : Mm-mm.

Thierry Ardisson : l’Ecole Nationale d’Administration. Vous avez fait l’ENA, vous acceptez d’en… vous acceptez d’en parler ?

Stéphane Osmont : J’ai fait l’ENA et j’accepte d’en parler.

Thierry Ardisson : Vous acceptez d’en parler. Ça peut aider tous les jeunes qui seraient tentés par l’ENA d’avoir quelqu’un qui est passé par là (mimant la compassion, sourire), d’avoir votre témoignage. C’est quoi qui vous a attiré dans l’ENA ?

Stéphane Osmont : Le salaire (il rit).

Thierry Ardisson : Ah oui ! le salaire.

Stéphane Osmont : Je crois, finalement, le salaire.

Thierry Ardisson : Et…

Stéphane Osmont : Non, le fait d’être étudiant en ayant un salaire.

Thierry Ardisson : Ouais.

Stéphane Osmont : Mm-mm.

Thierry Ardisson : Et c’est vrai qu’à l’ENA on perd tout contact avec la réalité quand on y est ?

Stéphane Osmont : On perd contact avec la réalité en dehors de l’ENA, oui, oui-oui…

Thierry Ardisson : Ouais, ouais, mm, mm.

Stéphane Osmont : c’est un milieu trèsfermé, oui.

Thierry Ardisson : C’est vrai qu’on voit plus rien ? on est dans son monde ? on est un petit peu autiste ? on est seul avec les autres énarques ?

Stéphane Osmont : Oh non ! on voit ses polycopiés…

Thierry Ardisson : Ouais.

Stéphane Osmont : et on voit ses camarades énarques, oui, oui-oui.

Thierry Ardisson (mimant à nouveau la compassion) : Ça a été facile de vous en sortir ? (Air faussement sérieux puis il ne peut s’empêcher de rire.)

Stéphane Osmont (souriant) : Non (il rit).

Thierry Ardisson : de l’ENA ?

Laurent Baffie (mimant lui aussi la compassion) : C’est peut-être trop frais, tu veux pas en parler ? (Rires.)

Stéphane Osmont (souriant) : Trop dur. C’est trop douloureux encore (rires).

Thierry Ardisson (recouvrant Stéphane Osmont) : Non mais, tu vois, c’est difficile de parler de ça. Le mec a fait l’ENA…

Laurent Baffie : C’est quoi ? c’est neuf ans, non ?

Stéphane Osmont : Oh non ! c’est un peu plus que ça. Non, c’est une quinzaine…

Laurent Baffie : T’as redoublé ?

Stéphane Osmont (riant) : une quinzaine d’années. Non, j’avais redoublé avant (lapsus pour auparavant), moi (rire général).

Thierry Ardisson : Ça a été facile de vous en sortir ?

Stéphane Osmont : Euh… moyennement facile.

Thierry Ardisson : Moyennement facile, oui.

Stéphane Osmont : Moyennement facile.

Thierry Ardisson : Vous pensez que maintenant que vous êtes dehors ? c’est définitif ?

Stéphane Osmont : Oui, je crois que je… Oui, j’ai l’impression d’être assez purifié, oui, assez purgé.

Thierry Ardisson : Vous allez pas replonger dans l’ENA ?

Stéphane Osmont : Non, non, je vais pas rechuter.

Laurent Baffie : Plus de cravate, c’est promis ?

Stéphane Osmont : Non, non, plus…

Thierry Ardisson : C’est sûr ?

Stéphane Osmont : Non, non, c’est promis.

Thierry Ardisson : Et que diriez-vous à des jeunes, Stéphane, qui, à tout moment, peuvent tomber dans l’ENA ? (Rire général avec rires plus marqués de deux femmes parmi les invités puis applaudissements.)

Thierry Ardisson (sous les applaudissement ; continuant de jouer la compassion) : Non je pense que… je pense que c’est important de… je pense que c’est important d’en parler.

Laurent Baffie : On parle pas assez des ravages des études supérieures…

Thierry Ardisson : Ben oui, bien sûr.

Laurent Baffie : et c’est bien de dénoncer ce soir…

Thierry Ardisson : Que oui ! Non, sérieusement, vous pensez que maintenant c’est…

Stéphane Osmont : Non, ce qui est pas mal, c’est de le faire et puis après d’en sortir assez rapidement.

Thierry Ardisson : Ouais. Et que diriez-vous à des jeunes qui seraient tentés par l’ENA ? (Rires.)

Stéphane Osmont : D’être bien vigilants.

Thierry Ardisson : Courage quand même ! hein ? parce que vous êtes solide, vous vous en êtes sorti, vous avez l’air bien et… (Rires.)

Stéphane Osmont : Difficilement.

Thierry Ardisson : Difficilement, voilà. Alors après l’ENA vous avez travaillé au ministère des finances auprès de Pierre Bérégovoy, puis dans le privé, vous avez été à la direction financière d’Havas, et puis, quand Messier est arrivé, vous avez décidé de prendre un petit peu de large, vous avez produit des films, hein ?

Stéphane Osmont : Mm-mm.

Thierry Ardisson : Vous avez produit des films de Catherine Breillat, d’Assayas, de Claire Denis, de Lætitia Masson et, aujourd’hui…

Laurent Baffie (montrant du doigt Grégory Basso de « Greg le millionnaire ») : Ah ! une collègue.

Thierry Ardisson : vous publiez un livre… (Rire général suite à l’intervention de Laurent Baffie.) Il est pas maçon… applaudissements) il est pas maçon.

Grégory Basso (s’adressant à Stéphane Osmont) : C’est tellement facile !…

Thierry Ardisson (recouvrant Grégory Basso) : Il était dealer. C’est TF1 qui croyait qu’il était maçon.

Grégory Basso : Il est très fort !

Thierry Ardisson : Lui, il était dealer. (Répondant à Grégory Basso au sujet de Laurent Baffie) Ouais, il est très fort. Donc, aujourd’hui, vous sortez un livre de six cents pages chez Grasset qui s’appelle Le capital

Laurent Baffie : Alors pourquoi six cents pages ? (Rires.)

Stéphane Osmont : Non, j’ai descendu (lapsus pour je suis descendu) un peu en dessous de six cents pages…

Thierry Ardisson : Ouais.

Stéphane Osmont : Ça fait cinq cent quatre-vingt-dix-neuf pages ou… un petit peu moins.

Thierry Ardisson : Ouais-ouais.

Laurent Baffie : Oui ! Oui ! C’est bien un énarque ! hein ?

Thierry Ardisson : Ouais (rire de Stéphane Osmont). Alors le livre raconte, donc, la vie de Marc de Tourneuillerie, brillant énarque justement, devenu P.-D.G. du Crédit Général, mais surtout, c’est un livre sur l’horreur du nouveau capitalisme où finalement on est passé de sociétés possédées par des familles à des entreprises possédées par des fonds de pension, et possédées, je dirai, au double sens du terme, on est passé du pouvoir autoritaire du patron propriétaire au pouvoir totalitaire des fonds de pension. Alors les fonds de pension, c’est des groupes qui gèrent comme ça des centaines de milliards de dollars que leur ont confiés des retraités américains, c’est ça ?

Stéphane Osmont : Mm-mm. Des retraités américains, des retraités…

Thierry Ardisson : Allemands, écossais.

Stéphane Osmont : Ouais, c’est ça…

Thierry Ardisson : Oui.

Stéphane Osmont : des retraités du monde entier…

Thierry Ardisson : Voilà !

Stéphane Osmont : et qui ont pour préoccupation de vivre leur retraite le plus confortablement possible…

Thierry Ardisson : Ouais.

Stéphane Osmont : d’en jouir le plus possible…

Thierry Ardisson : Oui.

Stéphane Osmont : et qui, de ce fait-là, demandent à ce que la rentabilité de leur placement soit la plus élevée possible.

Thierry Ardisson : Et ils confient leurs intérêts à des killers, à des tueurs qui sont là pour que ça rapporte le plus possible. Alors ils dégraissent, ils délocalisent, ils ruinent l’Europe et ils esclavagisent l’Asie, en gros, non ?

Stéphane Osmont : Oh ! ils esclavagisent le monde entier…

Thierry Ardisson : Ouais.

Stéphane Osmont : ils esclavagisent les jeunes, enfin ceux qui sont ici, ceux qui sont en Asie et ceux qui sont…

Thierry Ardisson : Mm, mm.

Stéphane Osmont : en Amérique latine, ceux qui sont en Afrique…

Thierry Ardisson : Mm, mm.

Stéphane Osmont : pour permettre à eux (lapsus pour leur permettre) d’avoir…

Thierry Ardisson : Mm.

Stéphane Osmont : d’avoir la vie la plus agréable possible, pour contrepartie que… il faut bien que, derrière, la jeune génération travaille pour…

Thierry Ardisson : Voilà !

Stéphane Osmont : leur permettre de s’amuser. Parce que ce qui est un peu…

Laurent Baffie : Mais ils ont pas de canicule aux Etats-Unis ? (Rires.)

Stéphane Osmont : Si, si… si mais ils ont la climatisation, justement.

Laurent Baffie : Ah ! voilà !

Thierry Ardisson : Mm.

Stéphane Osmont : Non mais parce que ce qui est un peu nouveau, c’est qu’on a aujourd’hui un troisième âge qui est… qui est un troisième âge qui aime bien, qui aime la vie…

Thierry Ardisson : Ouais.

Stéphane Osmont : qui aime s’amuser, qui aime les plaisirs de l’existence et qui conçoit que, à soixante-dix ans, on puisse encore danser, aller en boîte de nuit…

Laurent Baffie : Mais soixante-dix ans, c’est encore très jeune.

Hervé Vilard: On veut voir le monde, on veut voir…

Stéphane Osmont : On veut voir le monde, on veut s’amuser…

Laurent Baffie : On est en pleine forme à soixante-dix ans (rires).

Hervé Vilard : B’et comment !

Thierry Ardisson : Bien voilà ! Donc, effectivement, tout ça est obligé à une rentabilité maximum. D’abord les patrons qui sont obligés de raisonner à court terme parce qu’il faut, évidemment, faire plaisir aux actionnaires. Et tellement à court terme qu’ils commencent par se bourrer les fouilles, donc les primes, les stock options. Et votre livre commence par la négociation d’un patron qui s’en va parce qu’il a un cancer des testicules…

Stéphane Osmont : Ça arrive (rire).

Thierry Ardisson : Il part en retraite et il négocie d’une façon terrible son départ.

Stéphane Osmont : Il lui demande qu’on lui laisse son salaire, il demande qu’on lui laisse ses assistantes, qu’on lui laisse la jouissance du jet privé de la banque, que sa fille garde la communication et qu’elle bénéficie de ce qu’on appelle un golden parachute, c’est-à-dire que, dans l’hypothèse où elle se fait virer, elle gagne un joli pactole à la sortie.

Thierry Ardisson : Voilà ! Alors ça, c’est du roman mais en fait ça s’est réellement passé puisque le patron de General Motors, quand il a quitté son entreprise, il a touché un paquet de pognon qui peut faire vivre vingt-cinq générations…

Stéphane Osmont : Ouais.

Thierry Ardisson : mais, en plus de ça, il a demandé à garder, par exemple, ses abonnements dans la presse…

Stéphane Osmont : Mm-mm.

Thierry Ardisson : c’est-à-dire le type dit : « Oui, mais je veux qu’on continue à me payer mes abonnements…

Stéphane Osmont : Ou au câble.

Thierry Ardisson : de presse ou au câble », par exemple.

Stéphane Osmont : Au câble, oui.

Laurent Baffie : Les tickets restos aussi, non ?

Stéphane Osmont : Non mais c’est ça, c’est ce qui est d’ailleurs très romanesque en fait dans cette situation-là…

Thierry Ardisson : Ouais.

Stéphane Osmont : c’est que voilà quelqu’un, qui est probablement méritant, le patron de la General Motors…

Thierry Ardisson : Ouais.

Stéphane Osmont : mais, au moment où il part de la présidence de General Motors, comme vous l’avez dit…

Thierry Ardisson : Ouais.

Stéphane Osmont : il négocie le moindre abonnement au moindre canard…

Thierry Ardisson : Ouais.

Stéphane Osmont : jusqu’à la fin de sa vie, le moindre abonnement jusqu’à la moindre chaîne thématique jusqu’à la fin de sa vie…

Thierry Ardisson : Ouais.

Stéphane Osmont : donc tout est très précisément négocié au moment où les types quittent leurs fonctions.

Thierry Ardisson : Alors y’a un truc dans votre bouquin, je sais pas si c’est vrai, mais on apprend l’existence non pas d’une prime de licenciement mais d’une prime « au licenciement » parce que, à un moment, si on veut gagner du pognon, si on veut faire gagner du pognon aux fonds de pension, donc aux retraités, il faut qu’il y ait moins d’employés, donc il fait un deal, il a six mille euros par emploi supprimé.

Stéphane Osmont : A partir du moment où il n’y a plus de morale, y’a plus d’enjeu humain et tout est permis, ben ! pourquoi pas ? finalement une prime « au licenciement », c’est-à-dire pour chaque salarié licencié, le président touche une prime. C’est plutôt une bonne idée, non ?

Thierry Ardisson : Alors vous dites que les grands patrons gagnent finalement de cent à cinq cents millions d’euros alors qu’y’a…

Stéphane Osmont : Par an.

Thierry Ardisson : une dizaine d’années…

Voix masculine non identifiée : Par an !

Stéphane Osmont : Par an.

Thierry Ardisson : ils gagnaient de cinq à dix millions, oui. C’est-à-dire qu’il y a eu une espèce d’explosion de la rémunération des grands patrons et la première rentabilité est donc pour eux, quoi !

Stéphane Osmont : Y‘a dix ans, un patron américain gagnait quatre-vingt-cinq fois plus que la moyenne de ses salariés ; aujourd’hui, il gagne cinq cent trente fois plus.

Thierry Ardisson : Ah !… Ouais, ouais.

Stéphane Osmont : Quelqu’un qui gagne trois cents millions de dollars une année et qui veut en gagner encore trois cents millions de dollars l’année d’après, c’est-à-dire plus qu’il ne faut pour une vie entière…

Thierry Ardisson : Ouais.

Stéphane Osmont : d’intempérance…

Thierry Ardisson : Ouais.

Stéphane Osmont : sur quinze générations, c’est qu’il y a quelque chose qui va pas…

Thierry Ardisson : Ouais.

Stéphane Osmont : et donc c’est ce que décrit un peu le roman, c’est l’intériorité, enfin la psychologie de quelqu’un qui…

Thierry Ardisson : Ouais.

Stéphane Osmont : fabrique en permanence du manque au point de vouloir gagner trois cents millions de dollars quand il a déjà gagné trois cents millions de dollars.

Thierry Ardisson : Ouais. Faut dire quand même que tous ces grands patrons, ils sont quand même sur des sièges éjectables parce qu’il y a une dictature des actionnaires qui fait que s’ils arrivent pas à faire, si on dit par exemple, il faut faire vingt pour cent cette année de rentabilité de l’action, s’ils font quinze, ils sont virés, donc c’est vrai qu’en même temps, c’est normal qu’ils se protègent.

Stéphane Osmont : S’ils n’arrivent pas à faire quinze pour cent (lapsus pour vingt pour cent), ils ont de toute façon des clauses qui, au moment de leur départ, leur assurent leur enrichissement…

Thierry Ardisson : Ouais.

Stéphane Osmont : donc euh…

Thierry Ardisson : Ouais.

Stéphane Osmont : tout va bien.

Thierry Ardisson : Alors ça va pas s’arranger parce que les gens sont de plus en plus vieux et y’a un vrai conflit avec les jeunes qui triment qui s’annonce. C’est-à-dire que plus y’aura de vieux retraités qui voudront avoir vraiment des résultats par action formidables pour leurs fonds de pension, plus les jeunes vont trimer pour rien.

Stéphane Osmont : Ben si ! ils vont trimer pour leurs grands-parents, oui.

Thierry Ardisson : Oui, oui.

Stéphane Osmont : Si, si, ils vont trimer pour leurs grands-parents.

Thierry Ardisson : Vous croyez pas que ça peut arriver à un conflit ça ?

Stéphane Osmont : C’est probable. Mais quand vous devez, en temps que membre d’un fond de pension, en tant qu’actionnaire d’un fond de pension, choisir entre avoir beaucoup d’argent à la fin de l’année, quitte à ce que on délocalise des activités en Inde, en Afrique ou ailleurs, vous faites d’une certaine ma… c’est-à-dire contre vos propres petits-enfants, enfin vos enfants…

Thierry Ardisson : Ouais.

Stéphane Osmont : et vos petits-enfants, c’est que, d’une certaine manière, vous faites un arbitrage entre votre plaisir personnel…

Thierry Ardisson : Mm.

Stéphane Osmont : et la situation…

Thierry Ardisson : Mm.

Stéphane Osmont : de vos enfants ou de vos petits-enfants, donc là il y a en effet quelque chose qui a trait au conflit de génération.

Thierry Ardisson : Ouais. Alors ce héros, le héros de votre roman, d’abord, donc, il veut être très riche et il fait des clauses dans ses contrats qui lui permettent de l’être…

Stéphane Osmont : Il veut être très riche mais il n’arrive jamais à en jouir.

Thierry Ardisson : Ouais.

Stéphane Osmont : Justement il veut être très riche parce que, à chaque fois, il fabrique du manque…

Thierry Ardisson : Ouais.

Stéphane Osmont : et de la frustration. Et comme il n’arrive pas à jouir de la vie, c’est le substitut à cette vie-là qu’il n’arrive pas à avoir, c’est l’accumulation d’argent.

Thierry Ardisson : Ouais. Oui, y’a ça puis après il veut être célèbre.

Stéphane Osmont : Hé ! il veut être célèbre.

Thierry Ardisson : Il veut être célèbre, il veut être non seulement riche mais en plus célèbre, et son obsession c’est d’être l’ami de Jean-Marie Colombani, le patron du Monde. Alors vous êtes très dur avec les journalistes parce que vous dites que toute façon comme tout le monde recopie le premier papier qu’est sorti dans Le Monde, il suffit d’être bien avec Le Monde puis après ça tombe en… ça tombe en cascade, quoi.

Stéphane Osmont : Il a une obsession qui est Jean-Marie Colombani. Pour lui, Jean-Marie Colombani est une espèce de mètre-étalon…

Thierry Ardisson : Ouais.

Stéphane Osmont : de son statut social.

Thierry Ardisson : Mm.

Stéphane Osmont : S’il est copain avec Jean-Marie Colombani, ça veut dire que là, il a atteint un niveau social…

Thierry Ardisson : Ouais.

Stéphane Osmont : et d’accomplissement personnel qui est enfin celui qu’il souhaitait.

Thierry Ardisson : Donc la presse à travers Le Monde ; la télévision, il a bien compris qu’il fallait être un bon client à la télévision…

Stéphane Osmont : Mm-mm.

Thierry Ardisson : être un bon client, ça permet d’y aller souvent, donc plus souvent on y va, ben ! plus on est célèbre. Et puis y’a le stade ultime de l’accomplissement, c’est-à-dire le sexe et la drogue. Je suis désolé, c’est vraiment les…

Laurent Baffie : C’est une thématique.

Thierry Ardisson : c’est une thématique ce soir.

Laurent Baffie : Arte, la dope.

Thierry Ardisson : Donc là, vous racontez Orgy Park.

Hervé Vilard : Grosse partouze, quoi, c’est ça ?

Thierry Ardisson : C’est ça, oui-oui. C’est le plus grand parc mondial de partouze. Ça va de Mixerland… Alors Mixerland, tu… voilà, c’est juste pour se mélanger un peu, c’est juste pour se frotter un petit peu, jusqu’à Ganbangland. Alors là évidemment ! (Rires avec un « ah !!! » d’une personne indéterminée.)

Stéphane Osmont : (Rire et geste évasif de la main).

Thierry Ardisson : Non, vous tirez quelle morale de tout ça ? Mais c’est la première fois que ça se passe quand même, la première fois que la génération suivante vit moins bien que la précédente.

Stéphane Osmont : Et c’est la première fois que la génération précédente doit aider la génération suivante.

(Musique de fond funky-rap.)

Thierry Ardisson (montrant la première de couverture du livre) : Le capital de Stéphane Osmont. C’est publié chez Grasset, Mesdames, Messieurs.

(Fin de la musique de fond.)

Thierry Ardisson : Merci d’avoir été avec nous, Stéphane…

(Fin de l’entrevue de Stéphane Osmont.)

Transcription de Paul Vannieuwenhuyze.

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