M. YY. |
M. XX |
Copie : Me ZZ. – xx, rue CC – xxxxx DDD
Tél. : – Télécopie :
Aff : XX / YY.
BBB, le 22 novembre 2001.
Monsieur le Directeur Général,
J’ai bien reçu votre lettre du 08/11/2001. Concernant les griefs que vous y exposez, je vous suggère de porter plainte pour chantage et harcèlement, par exemple, ou pour autre chose, comme vous voudrez, c’est vous qui voyez. Les tribunaux n’ont pas si souvent l’occasion de rire, cela ne peut que leur faire du bien de se distraire un peu. C’est un service que vous pouvez leur rendre et pour lequel vous ne pourrez être qu’apprécié.
Trêve de plaisanterie, je vous rappelle les crimes pour lesquels je me constitue partie civile auprès de la Cour d’Assise de Paris afin d’obtenir, entre autre choses, contre vous, une peine de vingt ans de réclusion criminelle. Il s’agit principalement d’association de malfaiteurs en relation avec le délit généralisé de marchandage. Ce délit peut se résumer ainsi :
Extraits du Code du travail :
Art. L. 125-1. Toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’œuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application des dispositions de la loi, de règlement ou de convention ou accord collectif de travail, ou marchandage, est interdite (…) Le délit de marchandage n’est pas subordonné à un mode particulier de rémunération. L’opération de fourniture de main-d’œuvre présente un caractère lucratif dès lors que l’entreprise bénéficiaire n’a pas à supporter les charges sociales et financières qu’elle aurait eues si elle avait employé ses propres salariés (…) En constatant que des salariés prétendument passés au service d’une société sous-traitante ont continué à travailler dans les mêmes sociétés, étaient intégrés dans les équipes de travail de ces sociétés et soumis à l’autorité de leurs agents de maîtrise, les juges ont pu caractériser le délit de fourniture de main-d’œuvre à but lucratif ayant eu pour effet de priver les salariés des garanties légales en matière d’embauchage et de licenciement, du bénéfice des conventions collectives et des avantages sociaux conférés aux salariés permanents. Le délit de marchandage est caractérisé dès l’instant que les salariés mis à disposition n’ont pas perçu les mêmes avantages que les salariés permanents (…) La responsabilité pénale de présidents de sociétés pour délit de marchandage est justement retenue, lorsqu’il est relevé un prêt de main-d’œuvre à but lucratif de l’une à l’autre, occasionnant aux salariés un préjudice lié à la perte d’une convention collective applicable plus favorable et à la conclusion de contrats de travail à durée déterminée avec durée minimale et sans terme précis, hors les cas légaux (…)
Art. L. 125-3 Toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre est interdite sous peine des sanctions prévues à l’article L. 152-3 dès lors qu’elle n’est pas effectuée dans le cadre des dispositions du livre 1er, titre II, chapitre IV du présent code relatives au travail temporaire (…) Caractérise le prêt de main-d’œuvre illicite l’arrêt qui relève que le seul objet de la convention entre deux sociétés était la fourniture de main-d’œuvre et que, ce contrat ayant été conclu moyennant une rémunération, l’opération avait un but lucratif (…) Est illicite le contrat de mise à disposition de salariés prévoyant le transfert du lien de subordination, l’obligation pour l’utilisateur de payer les salaires par l’intermédiaire de l’employeur initial, lequel prélevait un bénéfice et facturait les prestations de travail en fonction du nombre d’heures de travail (…) Caractérisent la fourniture de main-d’œuvre illicite les juges qui constatent que la convention litigieuse ne présentait pas les caractères d’un contrat d’entreprise dès lors que les salariés étaient placés sous l’autorité de l’entreprise utilisatrice, que celle-ci définissait les tâches à exécuter (…) et que la société de prestations de services ne mettait en œuvre aucune technique qui lui fût propre (…) lorsque le savoir-faire du personnel mis à disposition n’est pas distinct de celui de l’entreprise utilisatrice (…) dans des conditions imposants une réelle précarité pour la main-d’œuvre extérieure (…)
Je n’ai pas pris la peine de faire savoir aux autres personnes citées dans votre courrier qu’elles étaient poursuivies également pour association de malfaiteurs en relation avec le délit généralisé de marchandage (et complicité d’association de malfaiteurs, etc.). L’avis de poursuites judiciaires n’est pas une obligation légale, et je les ai déjà avisées de poursuites annexes. Je vous laisse le soin de leur annoncer.
Ma modeste expérience de l’être humain me faisait quand même deviner qu’en aucun cas vous ne négocieriez, la sueur des murs de prison étant loin d’être encore assez réelle pour vous. Mais il ne s’agit pas que de vous. Il faut tenir compte de tous ceux et de toutes celles qui, comme vous, vont être poursuivis pour leurs crimes d’association de malfaiteurs en relation avec le délit généralisé de marchandage. Je ne tiens pas à mettre l’économie de France et de Navarre à genoux en lançant le signal d’une vindicte impitoyable. Ceux qui voudront négocier, négocieront ; les autres serviront d’exemple. Qu’importe que vous, vous alliez en prison et d’autres pas ! C’est un problème d’ensemble, les cas particuliers n’entrent pas vraiment en ligne de compte, l’important étant de mettre fin au délit généralisé de marchandage dans de bonnes conditions.
Mes inclinations personnelles font que je préfère ne pas négocier. Quand je veux la tête de quelqu’un, pourquoi devrais-je me contenter de son portefeuille alors qu’avec un peu de patience, je peux avoir la bête en entier et son portefeuille en prime ? Ce n’est pas en relation avec votre personne que j’invite à la négociation mais pour laisser une porte ouverte à ceux qui viendront après vous, une trop grande inflexibilité finissant un jour ou l’autre par se retourner contre son auteur et par provoquer des dégâts qu’il est souhaitable d’éviter. Il n’est pas populaire de ne pas faire tout son possible pour négocier. De plus, les tribunaux surchargés invitent fermement les parties à négocier avant de recourir à l’action judiciaire. Comme vous le voyez, j’ai rempli entièrement mes obligations à ce sujet et je me suis montré suffisamment conciliant pour qu’on ne puisse me reprocher d’être implacable indûment. C’est vous qui avez refusé la conciliation.
Vous avez choisi de ne pas négocier, je ne peux que vous féliciter de cette décision. Votre société est le type même de celle qui roule sur l’or et qui fait de la précarité pour le plaisir d’en faire. Vous allez pouvoir servir d’exemple de première qualité. Je ne pouvais espérer meilleure cible pour entamer cette guerre contre la criminalité d’entreprise.
Sous toute réserve.
Recevez, Monsieur le Directeur Général, l’assurance de mes sincères salutations.
M. XX.